Pourquoi ce blog ?

Bienvenue à tous les visiteurs de ce blog !

Par le biais de ce blog, je souhaite vous faire part de mes positions politiques (les poser à l’écrit) sur certains sujets qui me semblent cruciaux et/ou peu abordés (crise des banlieues, rapports Nord/Sud, Ecologie, Fiscalité…).
De plus étant bien triste de constater à quel point les individus ont tendance à démissionner chaque jour un peu plus de leur rôle de citoyen, pour préférer un simple rôle de travailleur/sur-consommateur, ce blog sera ma très petite contribution pour essayer d’informer, faire connaître mes positions et ouvrir un débat entre citoyens.
Par ailleurs, à travers les articles de ce blog vous verrez que : faire des propositions est essentiel pour moi, car critiquer c’est bien, mais proposer une alternative c’est mieux !
D’où le titre de ce blog : alternatives citoyennes. Au reste, le but de ce blog n’est pas tellement pédagogique, pour cela je vous renvoie notamment vers des liens très intéressants.
Enfin, vos contributions, remarques, points de vue et critiques (constructives) sont évidemment les bienvenues.
Petite remarque : j’aurais parfois tendance à forcer le trait et à tenir des propos corrosifs, ceci dans l’unique but de rendre la lecture de ce blog plus captivante.

Martin Besnier

jeudi 22 juillet 2010

I.)B.) Commerce, agriculture et faim dans le monde : pourquoi un milliard de personnes sous-alimentées dans le monde ?

B.) CAUSES STRUCTURELLES ET PROPOSITIONS:

Dans cet article, je me concentrerai sur le domaine de l’agriculture mais il faut bien comprendre que les mécanismes économiques et politiques décrits ci-dessous s’appliquent peu ou prou au reste du secteur primaire d’extraction de matières premières (pétrole, minerais, bois, uranium…) et même à d’autres secteurs d’activités économiques.

Je vais à présent exposer les raisons qui expliquent selon moi en grande partie pourquoi un milliard de personnes souffrent de malnutrition chronique aujourd’hui dans le monde. Dans le même temps, j’essaierai de faire des propositions. Notez par ailleurs que ces raisons ne sont pas spécialement classées par ordre d’importance.

En 2008, des « émeutes de la faim » ont éclaté un peu partout dans les pays en développement. Ces émeutes étaient la résultante d’une forte hausse des prix des principales céréales. Cette augmentation s’expliquait en partie par le faible niveau des récoltes mondiales cette année -là. Depuis, les prix ont bizarement diminués de manière tout aussi brutale.
Or, cette volatilité des cours mondiaux ne s’explique pas seulement par le simple jeu de l’offre et de la demande. Du moins, cette instabilité est largement accentuée par les phénomènes de spéculation boursière, c’est-à-dire par l’activité de « négoce à court terme » des traders du monde entier et notamment de ceux de la Bourse des matières premières basée à Chicago. Cette activité de « trading » fait ainsi augmenter (ou baisser, c’est selon) les prix de manière artificielle et disproportionnée.
Pour enrayer les mécanismes de ce « yo-yo » boursier (d’autant plus sur les produits de première nécessité que sont les produits agricoles!), il faudrait entre autres instaurer une taxe sur les transactions financières (la fameuse taxe Tobbin prônée par Attac depuis bien longtemps. Voir la rubrique fiscalité).
On notera par ailleurs qu’en 2008, de nombreux courtiers ont attendu que les prix montent au plus haut (en stockant les céréales) avant de commencer à vendre et exporter, quand bien même certains mourraient de faim…

Au demeurant, la baisse des prix actuelle est un repli en trompe l’œil, les cours mondiaux étant de toute façon appelés à monter à plus long terme. En effet, depuis quelques années la demande en céréales augmente considérablement sous l’effet d’au moins deux facteurs :

Premièrement, de plus en plus de terres agricoles (notamment dans les pays du Sud) sont accaparées afin de produire ce que l’on appelle des agro carburants. Ces derniers sont considérés par certains comme une alternative au pétrole et un moyen de lutter contre le réchauffement climatique. Mais de nombreuses études ont montré que leur bénéfice écologique était plus que douteux (forte consommation d’énergie nécessaire à la production de ces agro carburants), en tout cas pour ceux dits de « première génération ». Depuis 2006, ces agro carburants ne font donc qu’aggraver la crise alimentaire mondiale. Il s’agirait selon moi d’en finir progressivement avec la production de ces agro carburants de première génération et de réserver en priorité l’exploitation des terres agricoles (notamment dans les pays du Sud) à la simple production de nourriture pour les humains.

Deuxièmement, la demande de céréales progresse considérablement sous l’effet de l’augmentation du niveau de vie de nombreuses personnes et l’émergence d’une « classe moyenne » dans les pays émergents tels que la Chine, l’Inde, le Brésil…Ces personnes voulant suivre le « modèle » occidental mangent de plus en plus et notamment plus de viande et de produits laitiers. De plus, nous autres occidentaux continuons aussi à surconsommer ces produits.
Or, pour créer une calorie animale, il faut en moyenne produire sept calories végétales ! En outre, les élevages intensifs et la nourriture donnée aux animaux de ces élevages qui provient elle-même d’une agriculture intensive ont des conséquences désastreuses pour l’environnement (forte empreinte écologique, emploi de pesticides, fongicides, antibiotiques voire d’OGM, pollution des eaux, destruction de la biodiversité…).
Alors, si manger moins de viande est avant tout un geste écolo (voir un prochain article à ce sujet), cela permettrait aussi à plus long terme de libérer des terres agricoles pour la simple production de l’alimentation végétale des Hommes.

Mais la sous-alimentation ne s’explique pas seulement par la hausse de la demande mondiale de céréales et donc des prix de ceux-ci. Il existe aussi des facteurs plus structurels.

Tout d’abord, on peut revenir sur l’impact de la politique néolibérale du FMI et de la Banque Mondiale. En effet, les prêts ou l’aide économique que ces deux organisations internationales fournissaient et fournissent aux pays touchés par de graves problèmes économiques s’accompagnent de ce que l’on appelle des « plans d’ajustements structurels » (PAS). Ces PAS, qui visent à priori à restaurer la situation économique des pays touchés, comprennent souvent des mesures de coupes budgétaires dans les budgets sociaux, de santé ou d’éducation, des privatisations des services publics, mais aussi de libéralisation du commerce (affaiblissement des protections douanières notamment) et enfin de promotion d’une agriculture d’exportation spécialisée sur un ou quelques produits (coton, arachide, cacao…). Au-delà de leurs impacts écologiques (transport des produits agricoles et développement de la monoculture), ces mesures ont notamment pour conséquence de rendre les pays les moins avancés (PMA) aidés par le FMI et la Banque Mondiale fortement dépendants de l’évolution des cours mondiaux.
Il s’agirait donc de mettre un terme à la politique de ces deux institutions qui s’inscrit dans ce que l’on appelle parfois le « consensus de Washington » (soit l’ensemble des mesures standard appliquées aux économies en difficulté face à leur dette par la Banque mondiale et le FMI, soutenues par le Département du Trésor américain ; le siège de ces trois institutions se trouvant à Washington D.C).

Mais, le FMI et la Banque Mondiale ne sont pas les seuls à prôner la libéralisation du commerce en matière agricole. Effectivement, de nombreux accords commerciaux bilatéraux et multilatéraux tels que les Accords de Partenariat Economique (APE) signés entre l’Union Européenne et les pays dits ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique) visent à développer de telles pratiques.

Par ailleurs, le cycle de Doha effectué sous l’égide de l’OMC tente lui aussi de libéraliser les échanges en matière agricole. Cette ronde de négociations est cependant actuellement au point mort.

Arrivé à ce stade de mon article, certains se demandent sûrement quel est le rapport entre la sous-alimentation d’un milliard d’individus et la libéralisation du secteur agricole ?
Après tout, de nombreuses personnes telles que l’ami Pascal, directeur général de l’OMC, (quel jeu de mot !), nous assurent que pour se développer les PMA devraient écouter Smith et Ricardo, ouvrir leurs frontières et se spécialiser dans un domaine économique où ils disposent d’un « avantage comparatif » !

Mais enfin quelle est la compétitivité des paysans des Pays les Moins Avancés face à l’agriculture mécanisée, subventionnée et hautement productive de nos pays riches ??

On compte actuellement dans le monde 1,3 milliard d’exploitations agricoles. Sur ces 1,3 milliard d’exploitations, 30 millions sont mécanisées, 500 millions font appel à la traction animale, et 800 millions à la simple force des mains et d’éventuels outils…Inutile de vous faire un dessin de la répartition mondiale de ces exploitations…

L’ouverture des frontières des PMA et la spécialisation vers une agriculture d’exportation ne fait qu’éliminer du circuit économique les millions de petits paysans du Sud qui pratiquent une agriculture familiale et vivrière.

Par ailleurs, les PMA subissent ce que l’on appelle une « dégradation des termes de l’échange ». Il s’agit d’une baisse du pouvoir d'achat des exportations de ces pays en termes d'importations. Ainsi, tandis que les pays du Nord produisent et exportent des produits manufacturés, voire maintenant dématérialisés, très chers et qui demandent peu de main d’œuvre ; les pays du Sud exploitent et exportent des matières premières bien moins chères et qui demandent beaucoup de main d’œuvre...

On dit souvent que le libre échange est un « jeu à somme positive ». C’est sûrement le cas pour les pays riches voire les pays émergents. Mais on est loin d’un échange « win-win » en ce qui concerne les pays les plus pauvres de la planète…

De surcroît, les pays riches, en subventionnant leurs exportations agricoles, pratiquent une concurrence déloyale évidente (ou « dumping agricole ») à l’endroit des Pays les Moins Avancés. Ainsi dans le cadre de la Politique Agricole Commune (PAC) de l’Union Européenne ou de la « Farm Bill » américaine, de telles subventions aux exportations sont prévues, ce qui a pour conséquence dans les PMA de rendre moins chers les produits agricoles venus des pays riches en comparaison avec les productions locales…
En soit l’idée de subventionner son agriculture (du moins une certaine agriculture) me convient tout à fait. En revanche je trouve l’idée de subventionner de manière directe ou indirecte ses exportations, destinées entre autres aux pays pauvres, proprement scandaleuse. Il s’agirait donc notamment de réformer la PAC (voir un prochain article détaillé à ce sujet). On notera tout de même que dans le cadre des Accords de Partenariat Economique (ACE) de l’UE, de telles pratiques sont appelées à disparaître.

Pour couronner le tout, un phénomène nouveau et en pleine extension risque de tuer définitivement toute agriculture vivrière dans les PMA. En effet, de nombreux pays émergents qui ne disposent que de peu de terres agricoles ou de ressources en eau, tels que l’Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unis, la Corée du Sud, l’Indonésie ou même la Chine, achètent ou louent des terres agricoles dans les PMA, afin d’assurer leur indépendance alimentaire. Ces ventes ou locations à très long terme (parfois pour 100 ans !) et à bas prix se font par le biais de multinationales du secteur agro-alimentaire ou de fonds de pensions. Les récoltes effectuées sur ces terres sont évidemment en très grande partie exportées vers les pays « propriétaires ou locataires » sans que cela ne profite réellement aux populations locales. En outre, si certains contrats prévoient de développer les infrastructures des pays, il s’agit avant tout d’infrastructures visant à exporter plus facilement et rapidement les récoltes (routes, ports, canalisations pour l’irrigation…), développant ainsi en quelque sorte un « néocolonialisme Sud-Sud ».

Enfin, de manière plus large, la pratique des commissions données aux importateurs par les pays exportateurs afin d’inciter au commerce, poussent certains dirigeants et fonctionnaires corrompus dans les PMA à préférer importer des denrées alimentaires plutôt qu’à développer une agriculture vivrière locale, dans leurs intérêts personnels.

Toutes ces pratiques, qui libéralisent le commerce dans le secteur agricole et qui développent ainsi une agriculture d’exportation dans les PMA sont donc selon moi à l’origine de la sous-alimentation de plus d’un milliard d’individus et de toutes les conséquences que cela peut entrainer (exode rural, paupérisation urbaine, difficultés à réaliser un développement économique…).

Il faudrait donc réviser la politique du FMI et de la Banque Mondiale ; encadrer très fortement tous les accords commerciaux bilatéraux et multilatéraux avec des PMA, dans le cadre de l’OMC notamment (voir un prochain article concernant une réforme de l’OMC), ainsi que la pratique des commissions. Il s’agirait aussi d’interdire toute subvention à l’exportation vers les PMA dans le cadre de la PAC ou de la Farm Bill. Enfin, il faudrait réviser voire annuler certains contrats d’achats ou de location de terres par les pays émergents.

Mais au-delà de toutes ces mesures, il faudrait surtout que les Pays les Moins Avancées mettent eux aussi en place une politique agricole commune dans un cadre régional, à l’instar de l’Union Européenne. Il s’agirait notamment d’instaurer des taxes à l’importation et des droits de douanes afin de favoriser leurs produits nationaux ou régionaux. D’autre part, des subventions (qui proviendraient en partie de l’Aide Publique au Développement : voir un prochain article à ce sujet) permettraient d’encourager le développement d’une agriculture locale vivrière et biologique (qui créerait des emplois contrairement à l’agriculture d’exportation). Ces subventions pourraient notamment servir à construire des infrastructures agricoles et à financer des formations d’agronomes. Le but d’une telle politique serait que ces pays atteignent enfin (lorsque c’est possible) leur souveraineté alimentaire au niveau local, national ou régional.
Par ailleurs, cette politique agricole devrait en parallèle permettre développer les droits des femmes, qui participent en grande partie à l’agriculture et à l’élevage dans les pays du Sud.
En outre, dans le cadre d’une Recherche et Développement massive au niveau mondial (voir un prochain article sur la reconversion écologique de l’économie) dans les technologies, l’agronomie et la chimie verte, on pourrait imaginer des programmes d’échanges réciproques de savoirs (RERS) tant au niveau global que local, qui profiterait aux pays du Sud.
Une telle politique agricole s’inscrit dans la théorie de l’économiste allemand Friedrich List dite du « protectionnisme éducateur ». Celui-ci a pour objectif de développer sur le moyen terme le marché local, national ou régional et le protéger de la concurrence étrangère, afin de permettre sur le long terme une ouverture vers un libre-échange qui ne soit pas à sens unique. Il s’agit donc d’un protectionnisme temporaire, qui permettra ensuite de développer un véritable libre échange « win-win ».
Cependant, on pourrait même imaginer dans un cadre plus utopique, à plus long terme, une relocalisation de l’économie (voir l’article sur la reconversion écologique de l’économie) à l’échelle mondiale, qui permette à chaque région du monde, dans la mesure du possible, de développer des « circuits courts » économiques et une situation d’indépendance alimentaire et énergétique. Cela se traduirait notamment par une réduction des pollutions liées au transport de marchandises, le commerce de ceux-ci se limitant alors au strict nécessaire.

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