Pourquoi ce blog ?

Bienvenue à tous les visiteurs de ce blog !

Par le biais de ce blog, je souhaite vous faire part de mes positions politiques (les poser à l’écrit) sur certains sujets qui me semblent cruciaux et/ou peu abordés (crise des banlieues, rapports Nord/Sud, Ecologie, Fiscalité…).
De plus étant bien triste de constater à quel point les individus ont tendance à démissionner chaque jour un peu plus de leur rôle de citoyen, pour préférer un simple rôle de travailleur/sur-consommateur, ce blog sera ma très petite contribution pour essayer d’informer, faire connaître mes positions et ouvrir un débat entre citoyens.
Par ailleurs, à travers les articles de ce blog vous verrez que : faire des propositions est essentiel pour moi, car critiquer c’est bien, mais proposer une alternative c’est mieux !
D’où le titre de ce blog : alternatives citoyennes. Au reste, le but de ce blog n’est pas tellement pédagogique, pour cela je vous renvoie notamment vers des liens très intéressants.
Enfin, vos contributions, remarques, points de vue et critiques (constructives) sont évidemment les bienvenues.
Petite remarque : j’aurais parfois tendance à forcer le trait et à tenir des propos corrosifs, ceci dans l’unique but de rendre la lecture de ce blog plus captivante.

Martin Besnier

jeudi 22 juillet 2010

I.) Décoloniser les imaginaires:

20% des habitants de la planète consomment 80% des ressources naturelles mondiales et produisent 70% des déchets mondiaux.

« On ne naît pas écologiste, on le devient » Nicolas Hulot.
« Nous n’héritons pas de la Terre de nos ancêtres, nous l’empruntons à nos enfants » ; « Il n’y a pas de solutions, mais des forces. Créons ces forces, les solutions suivront » Antoine de Saint-Exupéry.
Voire même :
« Plus de liens, moins de biens » ; « La croissance n’est pas la solution mais bien le problème » Serge Latouche.
« Penser global, agir local ».

Autant de formules qui nous appellent tous à évoluer, à décoloniser nos imaginaires. L’écologie est en effet un appel à une transformation politique collective mais aussi à un changement profond de nos modes de vie individuels. Nous sommes tous responsables, en tant que citoyens, consommateurs et travailleurs !

Pour dire clairement les choses, et même si je ne suis pas à une contradiction près puisque j’en fais partie ; j’en ai marre de cette société d’individus « ado-adultes » égocentriques, matérialistes et surtout conformistes qui n’ont tendance qu’à penser qu’à leurs petits plaisirs perso et à la surconsommation. Des plaisirs en outre toujours plus standardisés, qu’il faudrait assouvir si on veut « exister ; être quelqu’un ; être heureux », comme nous le rabâche chaque jour la publicité.
Nous autres occidentaux nous nous croyons libres, mais chaque jour un peu plus, nombreux sont ceux qui sombrent dans une « servitude volontaire » comme dirait La Boétie, par le surtravail et/ou la surconsommation.
Un mode de vie, une façon de penser qui contribue ainsi plus ou moins aveuglément à la marche du monde actuel. Il est admis que notre mode de vie n’est pas écologiquement « soutenable » de part le pillage des ressources naturelles, les pollutions et l’éventuel réchauffement de la planète qu’il engendre. Mais, il est aussi de moins en moins socialement (hausse des inégalités, société de concurrence et de compétitivité à outrance, stress et court-termisme…) et économiquement (chômage, dettes privées et publiques, dérèglementations…) viable.
On en est arrivé à se dire qu’il faut « travailler plus, pour gagner plus, pour consommer plus » pour soi-disant « vivre mieux ». Nombreux sont ceux qui pensent que c’est dans ce mode de vie que se trouve la voie du bonheur mais qui multiplient en fait les désillusions et les dépressions…Je force un peu le trait mais, la surconsommation agit selon moi comme une drogue. Elle procure un plaisir éphémère et artificiel et rapidement le manque et l’insatisfaction prennent le dessus, il faut ainsi consommer toujours plus pour se sentir satisfait (et non heureux).
D’autre part, dans cette société, « pour être, il faut avoir » ; ou plutôt, l’être de certains se résume malheureusement pour eux à leurs avoirs…On achète des biens ou des services non plus parce qu’ils sont utiles mais tout simplement parce qu’on a les moyens de se les offrir… Les « consommations ostentatoires », pour reprendre l’expression de l’économiste Veblen, sont destinées soit à montrer son statut social, à émettre des « signifiants de puissance », soit à faire croire aux autres que l’on possède ce statut social.
Enfin, nous vivons aussi dans une société d’individus qui n’osent jamais se remettre réellement en cause. Des individus qui fuient le face à face frontal avec eux-mêmes, qui ne prennent pas en charge leur destin, et qui suivent bien trop souvent l’avis et la vie de la majorité par peur notamment du conflit ou d’un rejet par celle-ci. Des individus qui n’imaginent plus assez que leur bonheur passe nécessairement par le fait de se préoccuper profondément du sort des autres.

Bref, dans les prochains articles, nous allons essayer de trouver des alternatives politiques concrètes à ce modèle de société ; par une reconversion écologique de l’économie autour d’une croissance et d’une décroissance économique sélective, par la fiscalité écologique et l’internalisation des coûts sociaux et environnementaux dans les prix, par l’évolution des secteurs de l’agriculture, de l’énergie, du transport, du logement…
Mais, je vous préviens tout de suite, les solutions ne sont pas toutes faites ; il faut encore les imaginer et les concrétiser ensemble.
Avec l’écologie, on ne sait pas trop vers quoi on va, mais en tout cas on sait ce que l’on quitte. C’est peut-être cette peur de l’inconnu qui décourage bon nombre d’entre nous, qui comprennent pourtant bien le message écolo.
Mais cette faiblesse peut être une force, après tout on sait bien où nous ont mené les grandes idéologies préconçues telles que le communisme…
L’essentiel c’est de se mettre en route, même si le but à atteindre n’est pas encore bien défini.
Par ailleurs, la crise écologique actuelle ne saurait être résolue sans que ne soit aussi réglée la crise sociale au Nord comme au Sud (en permettant notamment aux habitants du Sud de se développer de la manière la plus « soutenable » qui soit).

Mais avant tout ça, il s’agirait que les individus de notre société prennent conscience des limites de notre mode de vie et du défi gigantesque et difficile qu’il nous faut relever. Un défi qui pourrait bien dans une société d’individus un peu perdus et en quête de sens, nous en fournir un.
Il faudrait finalement retrouver le sens des limites, le goût de la lenteur et s’inscrire dans une pensée sage de la finitude. Fondamentalement, ce défi permettra sûrement à bon nombre d’entre nous d’enfin accepter la mort et de tenter du coup de faire de leur vie quelque chose d’intéressant pour les autres et pour eux-mêmes, au-lieu de continuer à vivre dans le déni de la mort, en la fuyant coûte que coûte par l’excès, la suractivité, la démesure…

Face au défi écologique qui nous attend, nombreux sont les pessimistes. Qui sait, ils ont surement raison ; mais quand bien même le combat serait perdu d’avance, à quoi bon mener une vie dénuée de sens ?
Le site internet de la fondation Nicolas Hulot dénote une distinction assez juste selon moi, à savoir que « la différence entre les pessimistes et les optimistes, après tout, c’est peut-être que les pessimistes n’ont rien d’autre à faire qu’attendre que la situation se dégrade et confirme ce qu’ils pensent. Tandis que les optimistes, eux, multiplient les initiatives, les élans, et mettent tout en œuvre pour que l’avenir leur donne raison ».

Pour finir sur un discours plus concret et constructif, on pourrait imaginer tout d’abord mettre en place une grande politique nationale d’éducation à l’écologie (même si je me rends bien compte du danger propagandiste que pourrait représenter une telle mesure). Cette politique de sensibilisation viserait à obtenir l’adhésion massive de la société à une transformation écologique de nos modes de vie, et tenterait notamment de mettre fin au mythe d’une croissance illimitée des biens, des déplacements, des services…
Voici les formes (non-exhaustives) qu’elle pourrait prendre :
Comme le propose la fondation Nicolas Hulot dans son pacte écologique, il s’agirait tout d’abord d’intégrer l’écologie dans les programmes scolaires de la maternelle à la terminale, de manière transversale (en science et vie de la terre, en économie, en sociologie, en philosophie…). D’autre part, les enseignants pourraient être davantage formés à ces thèmes ; tandis que dans l’enseignement supérieur et les formations professionnelles, la place de l’écologie pourrait être accentuée.
En outre, au sein des médias de masse, on pourrait imaginer la mise en place de campagnes de communication (comme c’est déjà un peu le cas, pour la réduction de nos déchets notamment). Les émissions et articles journalistiques de sensibilisation (à la télé, la radio, sur internet ou dans la presse écrite) pourraient être multipliés. Il faudrait d’ailleurs réfléchir à une taxation des pubs visant à vendre des produits polluants et/ou très clairement superflus ; à une interdiction complète de la pub sur les chaînes TV publiques (celles-ci pouvant être alors, en plus de la redevance, financées par une taxe sur les pubs présentes sur les chaînes privées, même si en l’état une telle réforme est impossible) ; ou encore une interdiction de faire de la pub pour les produits destinés aux enfants de moins de 12 ans.
En outre, on pourrait systématiser la procédure de l’ « Agenda 21 » à toutes les communes dans le cadre de démarches de démocratie participative, mais aussi dans les entreprises, les administrations, les écoles…

Pour être honnête, j’ai beau jeu d’écrire ce que je viens d’écrire et d’être prosélyte comme je viens de l’être (ce que, j’espère ne pas trop être dans ma vie de tous les jours). Je ne vis pas moi-même à 100% en accord avec mes idéaux et principes; comme tout le monde, je suis plein de contradictions et nous devons tous faire des choix entre notre réalité et nos idéaux ; mais après tout, faire ces choix, n’est ce pas là la marque des Hommes libres ?

Liens utiles pour approfondir :

- MORIN Edgar, L’an I de l’ère écologique.
- HULOT Nicolas, Le syndrome du Titanic ; Pour un pacte écologique.
Voire :
- Les ouvrages « décroissants » ou « a-croissants » (je précise que je ne partage pas toutes leurs idées, loin de là) de Serge LATOUCHE ou Paul ARIES.

I.) La France veut-elle vraiment régler la crise des banlieues ? Quelques piques introductives :

Ghettoïsation, fort taux de pauvreté, de chômage, d’immigration, d’échec scolaire, d’isolement mais aussi d’insalubrité, d’insécurité, de trafics en tous genres et de problèmes d’éducation : autant de termes (de clichés ?) péjoratifs pour désigner un même ensemble : « les banlieues sensibles », pourtant très diverses les unes des autres.

Je vais vous épargner ici un constat de la situation de ces banlieues. Il est plus ou moins connu de tous, sauf pour ceux qui préfèrent ne pas voir la réalité en face. La situation est grave, inquiétante et par son ampleur, quasi unique en Europe.

Mais alors, dans une société qui adore désigner des boucs-émissaires, qui donc est responsable de cette situation ? Bien sûr, certains répondront (et ils n’auront pas tout à fait tort) que la responsabilité incombe avant tout à certains délinquants et certaines familles qui pourrissent la vie des autres dans les cités, accentuant ainsi le phénomène de « ghettoïsation » de celles-ci.

Qui d’autre peut bien être responsable ? Les Hommes politiques ? Et plus largement l’élite de ce pays, qui a laissé pourrir la situation ? La responsabilité est parfois politique en effet, surtout par le passé. Lorsque l’Etat et les gouvernements successifs étaient (sont ?) bien soulagés de concentrer les populations les plus pauvres et immigrées dans les mêmes lieux. Ou encore, lorsque certains bailleurs sociaux regroupaient (regroupent ?) leurs locataires les plus défavorisés dans les pires logements de leur parc HLM afin de préserver l’attractivité du reste de leur parc. Enfin, lorsque certaines municipalités acceptaient (acceptent ?) volontiers la concentration d’habitants les plus démunis dans certains quartiers de leur ville afin de s’assurer de larges réserves électorales et de conserver ainsi leur baronnie.

Mais enfin, ne nous y trompons pas et soyons honnêtes ! La responsabilité de cette situation revient d’abord et avant tout à la société française dans son ensemble. Laissez-moi-vous raconter une petite histoire afin de vous en persuader (voir le lien : Donzelot) :

A partir des années 60, afin de faire face à la pénurie de logements et aux nombreux bidonvilles, la construction de vastes « grands ensembles » dans des « Zones à Urbaniser en Priorité » est décidée. Symboles de modernité et de confort, les HLM sont d’abord habitées par la classe moyenne de notre pays.
Mais à partir des années 70 et de la fin des « Trente Glorieuses », les choses se gâtent, et les mouvements de « fragmentation urbaine » font leur apparition.
Attirés par le rêve pavillonnaire et l’accès à la propriété (promus par de nombreuses politiques publiques), la classe moyenne quitte alors progressivement les grands ensembles pour des logements individuels en périphérie des villes. C’est le premier mouvement de « péri-urbanisation », rendu notamment possible par la démocratisation de l’automobile (et favorisant d’ailleurs l’étalement urbain, qui a de graves conséquences environnementales…). Conjointement à ce mouvement, la classe moyenne est régulièrement remplacée par l’arrivée de ménages plus pauvres et immigrés. C’est le mouvement de « relégation ». De plus, tandis que des frictions entre « gaulois » et « immigrés » commencent, la fuite de la classe moyenne s’accentue, celle-ci cherchant un « entre-soi protecteur » dans les pavillons individuels, alors même que la proximité avec les classes sociales inférieures est vécue comme dévalorisante. Un « entre-soi contraint » (par les mécanismes collectifs d’exclusion et du marché immobilier) se développe donc dans les cités HLM qui deviennent de véritables lieux de relégation avec une quasi-assignation à résidence de ces habitants et notamment de sa jeunesse qui s’approprie toujours plus les lieux publics.
Enfin, un dernier mouvement de « gentrification » des centres-villes naît en France dans les années 90, regroupant dans un « entre- soi choisi et sélectif » les classes supérieures de la population et notamment l’élite mondialisée. Un mouvement qui renforce celui de « péri-urbanisation » de la classe moyenne, qui quitte alors les centres-villes, ne pouvant plus suivre le train de vie des classes supérieures.

Aujourd’hui, ces mouvements généraux de désagrégation progressive des villes continuent par le biais de « stratégies d’évitement » (voir le lien : Maurin) entre classes sociales concernant l’habitat mais aussi au niveau scolaire par exemple (avec les nombreuses dérogations à la carte scolaire, voir l’article sur l’école). Inutile de rappeler par ailleurs que l’environnement social immédiat d’un individu a un rôle fondamental dans la réussite ou l’échec social de celui-ci. Le phénomène de ghettoïsation sociale et ethnique s’accentue donc de jour en jour dans notre pays. Les mécanismes collectifs d’exclusion sont d’une ampleur colossale et on pourra par exemple mentionner que la région Ile de France est la plus ségréguée d’Europe occidentale, étant marquée par les plus hauts niveaux d’inégalités territoriales.

A présent, un petit complément pour rappeler à certains de nos concitoyens et notamment à un certain Eric Zemmour, que les ghettos de notre République ne sont donc pas « volontaires », et que le « communautarisme » de certains habitants des quartiers sensibles, n’est pas « créé par ceux-ci » mais est avant tout une conséquence (et non pas la cause !) du mouvement global de désagrégation des villes qui sévit depuis la crise des années 70. Ainsi, même si la théorie de M. Zemmour semble à première vue séduisante, elle m’apparaît largement erronée. Quand bien même cette théorie serait renforcée par les phénomènes de délinquance et par la formation de véritables zones de « non-droits » avec leurs propres règles et où tout représentant de la République Française et même du reste de la société française ne serait pas les bienvenus, ces phénomènes bien réels sont selon moi des conséquences d’une société de l’entre-soi et du mouvement global de désagrégation urbaine.

La question se pose alors de savoir comment faire face aux mécanismes collectifs d’exclusion ? J’essaierai de répondre à cette question dans tous les articles qui vont suivre, mais avant cela : ce questionnement m’amène à me poser une nouvelle question, que de nombreux maires de banlieues sensibles, toute couleur politique confondue se posent aussi : la société française dans son ensemble veut-elle vraiment régler la crise des banlieues ou préfère-t-elle « l’entre-soi » ? Il faut savoir ce que l’on veut : Une République pour tous, ou une République qui abandonne certains territoires devenant alors de véritables ghettos caractérisés par la loi du plus fort.

On touche alors à un point crucial qui pourrait bien révéler la grande hypocrisie de notre société. Effectivement, au simple regard de l’application de la loi SRU, il semble que la réponse soit malheureusement claire…

La loi Solidarité et Renouvellement Urbain, votée en 2000, vise entre autres, afin de créer de la mixité sociale, à obliger les municipalités à disposer d’au moins 20% de logements sociaux dans leurs communes. Or, il apparaît qu’environ la moitié des villes françaises (notamment en région IDF) et évidemment les plus riches ou celles où habitent les plus riches, sont hors la loi et préfèrent payer une bien maigre amende plutôt que de construire des logements sociaux (notamment des logements très sociaux ou PLAI), renforçant ainsi l’idée d’une société égoïste de l’entre-soi, bien éloignée des objectifs d’Egalité et de Fraternité de notre République.
Ces comportements renforcent donc clairement la ghettoïsation de certains quartiers, la construction de nouveaux logements sociaux se faisant alors dans des communes qui concentrent déjà de nombreux autres logements de ce type, alors même que les communes les plus riches auraient souvent beaucoup plus de place à offrir pour en construire. Ceci ne fait en outre que ralentir un peu plus la création de nouveaux logements alors que la demande est pourtant criante.

Une véritable application de la loi SRU permettrait une réelle déconcentration des logements sociaux sur le territoire français, et ainsi un « saupoudrage » des difficultés que la ghettoïsation engendre, facilitant ainsi une éventuelle résolution de la crise des banlieues.

Au reste, une réforme de la loi SRU semble donc nécessaire afin de la faire réellement appliquer. Je ne sais pas qu’elle serait la meilleure solution mais voilà les propositions les plus souvent évoquées :
- Forte augmentation de l’amende afin de contraindre les communes récalcitrantes à construire des logements sociaux (ma préférence).
- Destituer les maires récalcitrants de leurs compétences en matière de logements sociaux, les rendre « défaillants », la responsabilité de construction de nouveaux logements revenant alors au préfet.
- Supprimer les indemnités d’élus locaux aux maires récalcitrants.

Si l’on regarde maintenant le montant de la DSU, il est lui aussi bien maigre, et en outre celle-ci est trop souvent distribuée de manière trop morcelée profitant à des villes qui n’en ont pas toujours besoin…La Dotation de Solidarité Urbaine est une enveloppe distribuée par l’Etat aux communes confrontées à une insuffisance de ressources et supportant des charges élevées.
Elle est ainsi bien utile à certaines villes de banlieue qui ne disposent que de peu de recettes fiscales (peu d’activités économiques, population pauvre et/ou non imposable) mais qui doivent assurer de lourdes dépenses (par exemple en terme d’équipements scolaires et de loisirs pour une jeunesse qui représentent parfois jusqu’à un tiers des habitants de certains quartiers).
La DSU est donc trop faible et ne permet pas une réelle péréquation des moyens notamment entre villes riches et villes pauvres. L’ « égalité des chances territoriale » n’est ainsi pas assurée.
Une réforme de celle-ci devrait intégrer à la fois une concentration et une augmentation des moyens allouées à certaines villes de banlieues qui en ont clairement besoin !

Pour en finir avec cette introduction, on rappellera tout de même que pour résoudre la crise des banlieues, apporter plus d’argent ne suffira pas (contrairement à ce que pensent certaines personnes de gauche en manque d’imagination)! Il faut aussi changer de stratégie ! Que ce soit concernant la Politique de la Ville et la place des habitants dans celle-ci, ou à propos de la stratégie policière ou encore éducative à adopter dans les « banlieues sensibles ». Passons à présent aux préconisations qui permettraient peut-être, selon moi, de résoudre ou plus modestement d’atténuer la crise des banlieues.

Liens utiles pour approfondir :
- DONZELOT Jacques ; Quand la ville se défait : quelle politique face à la crise des banlieues.
- MAURIN Eric ; Le ghetto français : enquête sur le séparatisme social.

II.) Pour une métamorphose de la Politique de la Ville :

Pour faire face au phénomène grandissant de relégation de certains quartiers, une « Politique de la Ville » a été mise en place en France à partir des années 80 pour « recréer de la ville ». Le but de cette politique publique est donc de revaloriser les zones urbaines en difficulté et de réduire les inégalités entre les territoires.

La Politique de la Ville sort des politiques publiques dites de « droit commun », tentant d’établir un partenariat entre différents échelons administratifs (de l’Union Européenne aux quartiers, en passant par l’Etat, les départements, les communautés de communes et les communes) et entre différents secteurs d’intervention publique (urbanisme, habitat, social, éducatif, transports, santé, culture…).

Depuis les années 80 de nombreux dispositifs ont caractérisé cette Politique de la Ville, marquant ainsi les fréquents changements de stratégie de cette politique et la rendant aussi largement illisible. Les plus connus de ces dispositifs étant les : Zones d’Educations Prioritaires (ZEP), le Développement Social Urbain (DSU), les Zones Urbaines Sensibles (ZUS) ou encore le Programme National de Rénovation Urbaine (PNRU).

De plus, cette Politique de la Ville est souvent décriée pour son inefficacité supposée. Cette critique semble un peu facile lorsqu’on compare l’ampleur des mécanismes collectifs d’exclusion avec le peu de moyens humains et financiers investis dans cette politique d’exception. Mais une fois de plus, ce n’est pas seulement une question de moyens mais aussi de stratégie.

Voici les propositions de réformes de cette Politique de la Ville que je fais et qui n’ont pour certaines d’entre elles rien d’originales :

- Premièrement, il s’agirait de mettre en place une politique qui « parte davantage du bas » (Bottom-Up) et non du niveau étatique (Top-Down). Il faudrait notamment miser davantage sur la participation directe des habitants à cette politique (ce point fera l’objet d’un développement complet au prochain article). Le niveau étatique est ainsi trop éloigné et formaliste pour s’adapter aux situations très diversifiées des quartiers relégués. La Politique de la Ville devrait ainsi laisser toute sa place aux initiatives locales, l’Etat devant simplement être là pour soutenir ces initiatives, mobiliser des moyens financiers et légiférer. Attention, il ne s’agit pas de faire du « moins d’Etat », mais bien du « mieux d’Etat ». Face à la grande hétérogénéité des quartiers de « banlieues sensibles », il faudrait ainsi faire davantage de « sur-mesure et non du prêt-à-porter » comme le rappelle souvent l’un de ces formidables maires de banlieue : Claude Dilain (de Clichy-sous-Bois).
- Deuxièmement, il faudrait renforcer les actions de réorganisation des institutions intervenant dans le cadre de cette politique, face aux nombreux corporatismes et lourdeurs bureaucratiques qui contraignent une politique publique d’exception qui se doit d’être souple et innovante. La contractualisation entre les différents échelons administratifs et secteurs d’intervention publique participant à cette politique doit ainsi être consolidée tandis que le rôle des « chefs de projets Politique de la Ville » polyvalents doit être accentué.
- Troisièmement, et pour reprendre une nouvelle fois une expression de Claude Dilain, l’action de la Politique de la Ville devrait porter sur les « causes plutôt que sur les conséquences » du processus de ghettoïsation. Le meilleur exemple de cette action sur les conséquences étant les nombreuses opérations de rénovations urbaines, qui constituent la majeure partie de la Politique de la Ville actuelle…Si ces opérations de renouvellement urbain, lancées à partir de 2003 suite à la « loi Borloo » sont évidemment nécessaires et bienvenues, elles sont me semble-t-il insuffisantes voire dans une certaine mesure, vouées à l’échec. On peut ainsi malheureusement parier que d’ici quelques années certains de ces chantiers de rénovation urbaine seront à refaire…En effet, dans ce cadre l’action publique porte sur les lieux, le bâti, le « hard », mais ne tente pas de changer la situation sociale, elle ne porte pas suffisamment sur les habitants, l’humain, le « soft ». Dans le cadre du PNRU, il s’agit ainsi de « dorer le ghetto », la situation à long terme n’évoluant pas et les habitants étant relogés aux mêmes endroits.
- Quatrièmement, la question des moyens financiers investis dans cette Politique de la Ville est aussi primordiale, même si comme nous l’avons vu, une simple augmentation des moyens sans changement de stratégies, s’avèrerait inefficace. Rappelons tout de même que les fonds alloués à la Politique de la Ville ne représentent que 0,37% de notre PIB ! C’est bien maigre face à un problème de société majeur tel que la crise des banlieues. En outre, dans certains cas, les crédits « Politique de la Ville » sont fournis aux communes « à la place » de crédits de droits communs et non « à côté ou en plus » de ces crédits ! Enfin, comme nous l’avons vu en introduction, une meilleure péréquation des moyens entre villes riches et villes pauvres devraient être assurée.
- Enfin, au niveau gouvernemental, et même si la Politique de la Ville doit partir de la « base », des initiatives locales dans les quartiers ; cette politique transversale devrait logiquement être organisée autour de la personne du Premier Ministre, de manière interministérielle et non dans le cadre d’un secrétariat d’Etat ou d’un ministère spécifique à la Politique de la Ville qui relève plus de l’opération de communication politique que de l’action de fond... De plus, il semble évident de rappeler qu’une forte volonté politique de changement doit être affichée et qu’il faut en finir avec l’empilement des mesures et les discontinuités de cette politique (rappelons tout de même qu’en 20 ans, 18 secrétaires d’Etat ou ministres chargés de la Politique de la Ville se sont succédés…). Pour finir, il serait judicieux que le gouvernement s’appuie davantage sur les avis et recommandations publiées par le Conseil National des Villes (qui regroupe plusieurs maires de villes de banlieues sensibles, toute couleur politique confondue) pour mettre en place son action en matière de Politique de la Ville.

Il apparaît malheureusement que l’actuel Plan « Espoir Banlieue » lancé par le président de la République et par Fadela Amara en 2008 ne correspond évidemment pas à ces propositions de réformes souhaitables, mais plus à une opération cosmétique, à une action superficielle (ce qui semble d’ailleurs être la marque de fabrique du gouvernement actuel dans de nombreux domaines…).
Pour finir sur une note optimiste, on assurera que la Politique de la Ville peut être porteuse de multiples innovations en termes de politiques publiques. Elle peut être une politique avant-gardiste, un exemple à suivre de souplesse et d’efficacité de l’action publique !

Liens utiles pour approfondir :

- CARDO Pierre et DILAIN Claude ; Deux maires courages : dialogue sur la crise des banlieues.
- DONZELOT Jacques ; Quand la ville se défait : quelle politique face à la crise des banlieues.
- Publications de Claude JACQUIER.

III.) « Alors prends-toi en main ! C’est ton…destin ! » : La participation des habitants :

En France, quand on parle de participation des habitants de quartiers sensibles, on pense généralement aux multiples associations sportives et culturelles présentent dans ceux-ci. Ces associations, portées par des bénévoles qui travaillent dans l’ombre et qui font un boulot formidable, ont un rôle primordial dans le développement social de ces quartiers.

Cela me fait d’ailleurs penser que les travailleurs sociaux, les animateurs socioculturels, les éducateurs de rue, les « adultes relais », les gardiens d’immeubles contribuent eux aussi au développement social des quartiers et devraient davantage être reconnus par l’ensemble de la société française pour leur rôle indispensable.

Mais ce n’est pas de ce type de participation des habitants dont je veux parler. Ce que je prône, c’est une participation politique (au sens noble du terme) des habitants qui seraient ainsi responsabilisés.

Avant de développer mon propos concernant la participation des habitants, je profite du terme « responsabiliser » pour faire une petite digression sur le thème de la « responsabilisation de parents » qui seraient « démissionnaires ». Ces derniers temps en effet, cette idée, portée notamment par le député UMP Eric Ciotti, à fortement la côte, pour lutter contre l’absentéisme scolaire ou plus récemment pour lutter contre la délinquance juvénile. Il faudrait ainsi punir pénalement ou « toucher au porte-monnaie » les parents démissionnaires.
Hormis le fait que ces solutions restent largement inefficaces (comme le montre les expériences américaines et britanniques), elles ne feraient que braquer encore plus certains parents, alors qu’ils auraient au contraire le plus souvent besoin d’encore plus d’accompagnement social, sans tomber toutefois dans l’assistanat. En outre, il est évident qu’éduquer un enfant est bien plus difficile dans un quartier délabré, à fortiori lorsque l’on se retrouve au chômage ou en précarité ou encore lorsqu’on est pris en plein « choc culturel » (voir l’article sur l’immigration).
Cependant le statu quo en matière de lutte contre l’absentéisme scolaire et la délinquance juvénile n’est pas acceptable. A côté d’un travail social de plus long terme (qui comporte des risques d’assistanat), on peut rappeler que certaines expérimentations qui ont fait leurs preuves, telles que « la mallette des parents » portée par Martin Hirsch, pourraient être étendues. Cette expérimentation vise à mieux associer les parents à l’équipe pédagogique afin que ceux-ci exercent leurs responsabilités parentales et s’intéressent davantage à la scolarité de leurs enfants (par le biais de séances avec les parents, de plaquettes d’informations en plusieurs langues…). Mais surtout, il faudrait que les parents participent davantage au développement de leur quartier, de manière collective. C’est sur ce point qu’il faut insister. Comme nous allons le voir à présent, c’est par ce biais que l’on redonnera du pouvoir aux parents sur leurs ados, et non par la suppression des allocations familiales, qui ne ferait que les enfoncer encore plus dans un état de faiblesse…

Pour en revenir à présent à la participation politique des habitants, on peut tout d’abord évoquer un petit constat. Il faut ainsi rappeler que c’est dans les quartiers sensibles que la désillusion vis-à-vis de la politique et du politique est la plus manifeste de notre société française. C’est en effet ce que montre les taux d’abstention record aux élections ou encore la faible présence des partis traditionnels dans ces quartiers qui ne disposent pas ou peu d’une « élite politique » capable de négocier avec les pouvoirs publics.

L’idée de la participation politique et citoyenne des habitants, qui pourrait sembler futile au premier abord, me semble donc primordiale afin d’atténuer la crise des banlieues. Comme nous l’avons dit dans l’article précédent, il faudrait que la Politique de la Ville « parte du bas », des habitants ; qu’elle suive un mouvement ascendant et non descendant. Il s’agirait en outre de réaliser une responsabilisation collective des adultes, qui donnerait une large place aux femmes, face à la domination adolescente qui sévit dans certains quartiers sensibles.
Cette idée de participation directe et locale des citoyens, qui ne fait malheureusement pas parti des mœurs françaises, pourrait d’ailleurs faire l’objet d’un consensus politique, les gens de droite y verraient un moyen de sortir les individus de l’assistanat ; les gens de gauche y verraient une libération de l’individu par l’action collective.

Des collectifs d’habitants devraient ainsi voir le jour, aidés par des agents de développement social local, des travailleurs sociaux dont le métier serait redéfini à l’occasion vers l’idée d’en faire des « community organizer » pour reprendre ce terme américain (soit le job que réalisait un certain Barack Obama dans les quartiers sud de Chicago avant de se lancer en politique). Aux Etats-Unis, ces personnes tentent d’aider les habitants des ghettos urbains à s’organiser pour défendre leurs droits, leurs intérêts, leur « bien commun », face aux bailleurs sociaux et aux municipalités notamment. Historiquement, la première mission de ces « community organizer » dont le précurseur était Saul Alinsky, un illustre inconnu en France, était d’aider les habitants à faire du « lobbying » politique sur les élus, en incitant notamment les habitants à s’inscrire sur les listes électorales.
Au reste, je fais à présent une petite digression pour affirmer que donner le droit de vote aux étrangers aux élections municipales notamment (avec ou sans « accords de réciprocité » avec les autres pays) me semble entièrement justifié et irait totalement dans le sens d’une promotion de la participation citoyenne de l’ensemble des habitants des quartiers difficiles.

Bref, le but de la participation des habitants, dans le cadre de collectifs citoyens dont ils tiendraient les rênes, serait tout simplement de permettre une revitalisation de leurs quartiers et de créer une « communauté solidaire de voisinage ». Il s’agirait par exemple d’améliorer les conditions de logement et de vie des habitants d’un quartier relégué, d’aider au développement économique local, de faire face à la délinquance et au sentiment d’insécurité du quartier (voir l’article sur la police de proximité), d’organiser des événements éducatifs, culturels, sportifs ou tout simplement festifs…En somme, le but serait d’améliorer les conditions de vie, l’ambiance et l’image des quartiers relégués grâce à l’action d’une communauté d’habitants actifs.

Aïe ! Désolé si j’ai heurté la sensibilité de certains en osant employer le terme « communauté », ce terme qui fait si peur en France et qui est toujours associé à l’idée de « communautarisme ». Pour vous rassurer, il s’agit bien ici de s’appuyer sur des communautés d’habitants, de résidants, de citoyens et non pas des communautés ethniques ou religieuses.

La participation des habitants viserait donc à responsabiliser ceux-ci, face aux dérives d’une action publique qui a tendance à faire des citoyens de simples « assistés ». Attention ! Je ne dis pas là que les habitants des quartiers relégués devraient résoudre leurs problèmes tout seul ! Non, sûrement pas ; l’aide publique est évidemment la bienvenue mais comme nous l’avons dit dans un précédent article, la Politique de la Ville doit partir de la base, des habitants. L’Etat n’a pas à organiser les choses (une fois encore, il ne s’agit pas de faire du « prêt-à-porter » mais bien du « sur-mesure »). Comme l’assure le sociologue Claude Jacquier dans l’un de ses ouvrages : « la revitalisation des villes est un processus complexe. Sa mise en œuvre requiert la créativité et l’initiative du niveau local plutôt que des stratégies standardisées au niveau national ».

Faire participer les habitants, c’est les considérer comme des interlocuteurs, c’est former une élite politique des quartiers, quitte à ce qu’ils représentent un contre pouvoir aux élites actuelles ! Il faut rendre les habitants « parties prenantes » (stakeholders), acteurs du changement de leur quartier. Il faut avoir confiance en eux, il faut redonner du pouvoir à des habitants majoritairement « à faible capacité de pouvoir », afin que ceux-ci réalisent leur « empowerment ». Cette notion américaine signifie en quelque sorte le processus par lequel « les gens acquièrent individuellement et collectivement une maitrise sur le cours de leur vie » pour reprendre les termes du sociologue Jacques Donzelot.

Pour finir, toute cette philosophie de la participation peut se résumer par le crédo d’un homme : Saul Alinsky, qui ne cessait de dire aux habitants des ghettos américains : « Ne demandez pas vos droits, prenez les ! ».

Liens utiles pour approfondir :

- ALINSKY Saul ; Manuel de l’animateur social.
- BRONNER Luc ; La loi du ghetto : enquête dans les banlieues françaises.
- DONZELOT Jacques; Faire société : la politique de la ville aux Etats-Unis et en France.
- JACQUIER Claude ; Les quartiers américains, rêve et cauchemar. Le développement communautaire et la revitalisation des quartiers aux Etats-Unis.
- Et très modestement, j’ose me citer parce que c’est justement le sujet de mon mémoire de fin de premier cycle : La participation des habitants à faible capacité de pouvoir. Expériences participatives au sein de la ville de Grenoble.

IV.) Police et cité: l'état des lieux

Les bleus, les poulets, les condés, les cognes, les playmobils, les flics, mais aussi les schtroumpfs, les keufs, les shmits, les chtars…tant de surnoms plus ou moins sympathiques pour désigner une même profession : policier.

La police est la mal aimée de notre société, par l’opinion publique en général, par les habitants des quartiers sensibles en particulier. Certains jeunes et certains délinquants des cités éprouvent même de la haine à leur égard, une haine de plus en plus réciproque…Cela n’a rien d’original de dire cela mais : nous sommes clairement assis sur une poudrière, que se passera-t-il le jour où un policier sera obligé pour une bonne ou une mauvaise raison de « tirer pour tuer » un jeune délinquant ou émeutier ?

La police est mal en point. Nombreux policiers sont au bord de la crise de nerfs, surtout ceux en poste dans des « secteurs sensibles ». Alors, ne comptez pas sur moi pour participer au mépris ambiant à leur égard, même si bien sûr on recense des bavures inacceptables notamment chez quelques agents de la BAC ou des CRS qui ont tendance à se prendre pour des « cowboys ». Ces hommes et femmes font un métier respectable et de plus en plus difficile. On parle souvent « d’omerta » dans les quartiers gangrénés par le trafic de drogue, mais on pourra remarquer que cette loi du silence s’applique aussi chez les policiers. En outre, derrière des discours de soutien et de fermeté, les policiers de terrain sont en fait lâchement abandonnés par leur hiérarchie et par les politiques.

Par ailleurs, la stratégie mise en place par la hiérarchie policière et les ministres, notamment depuis 2002 avec l’arrivée d’un certain N. Sarkozy au ministère de l’Intérieur, est selon moi en bonne partie responsable de cette situation catastrophique.
A grand renfort de communication politique et d’effet d’annonces, cette stratégie policière dite de « fermeté » se déclinait et se décline encore aujourd’hui selon moi en trois axes : politique du chiffre, prévention situationnelle et police de répression.

1. La politique du chiffre consiste simplement à réaliser de bonnes statistiques policières, à inciter ou faire pression sur les policiers pour qu’ils augmentent rapidement les taux d’élucidations, le nombre d’arrestations, de gardes à vue (GAV), de contraventions en privilégiant évidemment la quantité à la qualité…Pour faire croire à une opinion publique (franchement naïve il faut bien le dire !) qu’on lutte efficacement contre la délinquance, on ordonne aux policiers de se concentrer sur des « cibles rentables » (petites frappes, revendeurs ou simples consommateurs de cannabis, étrangers en situation irrégulière…) et de tirer un maximum profit des « IPDAP » (infractions envers les personnes dépositaires de l’autorité publique). Cette politique du résultat prend du temps, des effectifs et de l’argent et empêche la construction d’une action policière intelligente et de long terme.

2. A côté de cette politique du chiffre a progressé l’idée de la « prévention situationnelle ». Il s’agit de toutes les techniques et technologies visant à prévenir et dissuader les actes de délinquance. Hormis les « détails sécuritaires » des opérations de rénovations urbaines, la technologie la plus emblématique de cette prévention situationnelle reste les systèmes de vidéosurveillance (ou de « vidéoprotection », selon vos opinions politiques…). Je ne vais pas me lancer ici dans un débat sur l’atteinte supposée aux libertés publiques par Big Brother (un débat très grenoblois) mais je vais juste rappeler qu’une mise en place généralisée de ces systèmes ne sert pas à grand-chose à part peut-être rassurer son électorat…En effet, si le fait d’installer des caméras dans quelques endroits publics sensibles me semble légitime, suivre l’« exemple » anglais serait en revanche très couteux et surtout inefficace. En effet, devant un flux d’images trop important, il faudrait mobiliser un trop grand nombre de policiers pour les surveiller et les trier. Mais surtout, il semble que les caméras ne dissuadent pas les délinquants, qui s’adaptent à celles-ci. Enfin, il ne s’agit une nouvelle fois que d’une solution de très court terme, qui se concentre sur l’acte délinquant mais pas sur le délinquant lui-même…

3. Conjointement à ces deux premiers axes, s’est mis en place ce que l’on pourrait appeler une « police de répression » qui a progressivement remplacé la « police de proximité » (voir l’article à ce sujet). Sous le prétexte tout à fait légitime de protéger les policiers, on a transformé les Brigades Anti Criminalité et les Compagnies Républicaine de Sécurité intervenant dans les quartiers sensibles en une véritable police militarisée qui ne dialogue plus avec les habitants et les jeunes, renforçant ainsi les tensions avec ceux-ci et donc la nécessité pour les policiers de se protéger davantage…Un véritable cercle vicieux.
Par ailleurs, de nombreuses lois répressives plus ou moins fondées ont accompagné ce mouvement depuis 2001. Ces lois, parfois émotives, populistes et basées sur des faits divers, ont permis l’introduction de nouveaux délits, de nouvelles « circonstances aggravantes » et d’allongements de peines. Il s’agit par exemple du délit d’occupation illégale de halls d’immeubles (largement inapplicable et inappliqué), des circonstances aggravantes de « guet-apens », d’ « embuscade » ou du fait d’appartenir à une « bande », ou encore l’augmentation des heures de garde à vue…
D’autre part, la politique de contrôles d’identité systématiques sans aucune condition dans des territoires ciblées avec notamment la possibilité de fouille intégrale des véhicules, permise par la réforme Pasqua du code de procédure pénale de 1993, a énormément participé à la montée des tensions entre policiers et jeunes des quartiers sensibles. En effet, cette pratique du contrôle au faciès, souvent décriée par les jeunes d’origine étrangère, s’est accompagnée d’une explosion du nombre d’outrages à agent (ou IPDAP), s’inscrivant d’ailleurs totalement dans la politique du chiffre. On notera enfin que bizarrement aucune évaluation, aucun bilan de cette pratique et de leurs effets sur la lutte contre la délinquance n’ont été réalisés…

Pour finir, je ferai une petite digression sur les propos d’Eric Zemmour, non pas que je veuille m’acharner contre lui mais parce qu’il dit tout haut ce que malheureusement beaucoup de citoyens français pensent tout bas…Ainsi, lorsqu’il assure que « les noirs et les arabes se font plus contrôler parce que la plupart des trafiquants sont noirs et arabes », il faudrait rappeler que de nombreux « blancs » participent aussi à ce trafic (et que tout ça n’est bien évidemment pas une question d’ethnie ou de couleur de peau mais de statut social). Mais surtout, l’un ne justifie absolument pas l’autre ! Si la seule solution de la hiérarchie policière et politique pour lutter contre le trafic de drogue est le contrôle généralisé des jeunes de banlieues sensibles, autant abdiquer tout de suite car c’est totalement contre-productif. Au reste, il faut revenir sur l’idée que le chômage de certains jeunes des quartiers serait créé par le fait que ceux-ci préfèreraient le deal à un travail légal (car plus lucratif et moins exploiteur). Hormis le fait que le deal n’est pas si lucratif que cela pour les petits revendeurs (voir l’article suivant), c’est une nouvelle fois mettre la charrue avant les bœufs. En effet, en admettant que certains jeunes suivent délibérément cette voie (combien ??), il faut bien rappeler que le chômage est avant tout créé par la crise économique (née dans les années 70) dont les immigrés, les plus pauvres, précaires et moins formés sont toujours les premières victimes. Par la suite d’un processus cumulatif (chômage de masse, ghettoïsation urbaine et scolaire…) certains préfèrent donc effectivement le deal. Enfin, pour finir sur une note positive, on rappellera qu’à partir d’un certain âge, nombreux sont ceux qui préfèrent « rentrer dans le rang », avoir une vie tranquille, devenir père de famille et élever leurs enfants en sécurité.

Liens utiles pour approfondir :

- BRONNER Luc ; La loi du ghetto : enquête dans les banlieues françaises.
- MUCCHIELLI Laurent, La frénésie sécuritaire.

V.) « Une société se juge à l’état de ses prisons » : système pénitentiaire et judiciaire:

Albert Camus affirmait qu’ « une société se juge à l’état de ses prisons ». Si l’on suivait ce critère de jugement, on s’apercevrait que la société française est bien mal en point…

Je vais à présent traiter d’un thème un peu moins en rapport avec la crise des banlieues mais qu’il est tout de même important de signaler. Il s’agit de notre système judiciaire et pénitentiaire. Je dispose de moins de connaissances dans ce domaine, donc si vous avez des points cruciaux ou des détails qui vous semblent oubliés n’hésitez pas à nous en faire part !

La politique du chiffre et la police de répression ont pour conséquence de multiplier le nombre d’incarcérations et notamment de courtes peines d’emprisonnement. Elles ne font donc qu’augmenter le niveau de surpopulation carcérale (jusqu’à 200% dans certaines prisons !) que connaît notre pays, détériorant davantage encore les conditions de vie déjà déplorables dans nos prisons, comme viennent régulièrement le rappeler les nombreuses condamnations de la France par la Cour Européenne des Droits de l’Homme.
De plus, la fameuse mesure des « peines planchers » qui vise soit disant à lutter plus efficacement contre la récidive, participe elle aussi à cette inflation carcérale. Cette mesure, qui contrevient au principe d’individualisation de la peine, contribue par ailleurs à la mise en place progressive d’une « justice automatisée », qui ferait des juges de simples « distributeurs de peines fixes ».

Or, l’emprisonnement, surtout pour de courtes peines, est selon moi (et beaucoup d’autres) criminogène, d’autant plus dans l’état actuel des prisons françaises, et n’est donc en rien le meilleur moyen du lutter contre la récidive...Au demeurant, rappelons que le but de notre système judiciaire et pénitentiaire est certes de punir les délinquants mais aussi de préparer leur réinsertion dans la société…

Pour arriver à ces fins, voici ce que je préconise (et je vous l’accorde cela n’a rien d’original) :

- Améliorer les conditions de détention dans nos prisons (et donc les conditions de travail des surveillants) en accordant plus de moyens et de considération à l’administration pénitentiaire et en rénovant et construisant de nouvelles prisons afin de limiter la surpopulation carcérale.
- Favoriser toutes les activités pouvant permettre une meilleure réinsertion des détenus : à commencer par le soutien scolaire (soulignons ici le rôle de l’association GENEPI), les formations professionnelles, le travail en prison (à condition qu’il ne s’agisse pas d’une exploitation…).
- Eviter évidemment les mélanges entre criminels et maffieux de haut vol avec des petites frappes, si l’on ne veut pas que la prison devienne l’école du crime (comme le montre d’ailleurs très bien le film de J. Audiard : Un Prophète).
- Eviter aussi les trop longues « détentions provisoires » en attente de jugement (pour ça il faut donner plus de moyens à la Justice comme nous allons le voir après).
- Ou encore, éviter le placement de malades mentaux en prison (près d’un tiers des détenus !) dont la place se trouve en milieu spécialisé tels que les hôpitaux psychiatriques.

Bref, il y aurait encore, j’en suis sûr, bien d’autres propositions à faire pour améliorer la situation de nos prisons. Mais il faut surtout rappeler à présent que l’emprisonnement doit être envisagé en dernier recours.

Il faut donc selon moi favoriser les peines alternatives à l’incarcération, surtout pour les courtes peines (la grande majorité), qui permettent de lutter plus efficacement contre la récidive et qui le pourrait davantage encore si on leur donnait plus de moyens et de considération.

La première mesure qui vient à l’esprit quand on parle de peines alternatives, c’est le «bracelet électronique » (avec assignation à résidence à certains horaires). Cette mesure, convenable pour les courtes peines de 3 ou 4 mois est par ailleurs vraiment vécue comme une punition par les condamnés. Cependant, ce dispositif renferme certaines limites, la première étant que plusieurs conditions pratiques doivent être remplies, le condamné devant disposé d’un logement, d’une ligne téléphonique fixe (le coût élevé du dispositif étant supporté par le condamné) et donc d’un contrat de travail, ce qui n’est malheureusement pas le cas de nombreux condamnés.

Mais il existe plein d’autres mesures dont il faudrait améliorer l’efficacité en leur donnant une nouvelle fois : plus de moyens et de considération. Il s’agit de tous les dispositifs de liberté conditionnelle, de sursis avec mise à l’épreuve, de contrôle judiciaire socio-éducatif (CJSE), de travaux d’intérêt général d’insertion (TIG), ou encore des centres de semi-liberté (un intermédiaire pour les sortants de prison) et des centres éducatifs renforcés (CER) pour les mineurs…On citera aussi le dispositif de surveillance par « reconnaissance vocale » par le téléphone fixe du condamné (ce qui coûte vraiment moins cher en plus).

Conjointement à la présentation de ces mesures alternatives, on rappellera qu’il faudrait aussi multiplier le nombre et les moyens accordés aux conseillers d’insertion et de probation (CIP) et aux éducateurs spécialisés du Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation (SPIP). Il est aussi important me semble-t-il de multiplier les séances avec les condamnés pour travailler sur le sens de leur peine, pour qu’ils comprennent mieux leurs erreurs et pour leur permettre de se projeter plus sereinement dans l’avenir.

Toutes les propositions que je viens de faire (qu’il s’agisse des meilleures conditions de vie dans les prisons ou du développement des peines alternatives) nécessite cependant, et c’est là un point crucial, que la société française murisse un peu sur ce sujet et quelle se pose la question de savoir quel est vraiment le meilleur moyen pour lutter contre la récidive. Je n’ai pas dis tout ce que je viens de proposer parce que j’excuse les délinquants ou parce que je suis bienveillant à leur égard, mais tout simplement parce que je cherche le meilleur moyen de lutter contre la délinquance et sa récidive et qu’en la matière le contrôle social et le tout punitif connaissent de sérieuses limites.

Pour finir, je voudrais faire un point sur la Justice pénale souvent dénoncée comme « laxiste » par une certaine partie de l’opinion publique et par certains policiers. En réalité, je crois surtout que la justice est complètement débordée et en manque alarmant de moyens avec notamment un trop faible nombre de magistrats (comparé notamment avec le nombre de magistrats allemands). D’autre part, le sentiment de laxisme découle selon moi en partie de la stratégie policière évoquée plus haut qui concentre son attention sur les petits délits pour lesquelles les enquêtes sont trop courtes et le manque de preuves suffisantes parfois réel. Enfin, comme nous l’avons vu les juges se retrouvent souvent sans réponses adaptées face à la récidive de petits délinquants étant donné l’état criminogène de nos prisons et la faible qualité actuelle des peines alternatives à l’emprisonnement.

Liens utiles pour approfondir :

- VASSEUR Véronique, Médecin chef à la prison de la Santé.
- REYNAL Florence, Prisons : quelles alternatives ?

VI.) Police et cité: les propositions:

Venons-en à présent aux propositions visant à améliorer la stratégie policière dans les quartiers, et vous verrez qu’une fois de plus cela n’a en partie rien d’original :

1. Premièrement, il s’agirait de donner tous ses moyens à une véritable « police d’investigation ». Nicolas Sarkozy a créé en 2002 les Groupements d’Intervention Régionaux (GIR), soit des entités policières pluridisciplinaires composées de policiers, de gendarmes, de membres des Renseignements Généraux et de fonctionnaires des impôts et des douanes. Je reconnais que c’était une bonne décision. Mais cela reste insuffisant si l’on veut vraiment mettre fin aux trafics de stupéfiants, pour au moins deux raisons.

La première est que la politique du chiffre mise en place conjointement a eu pour conséquence comme nous l’avons vu de concentrer les moyens policiers sur la petite délinquance afin d’améliorer les statistiques policières et de faire croire à l’opinion publique qu’on lutte contre la délinquance. Il faudrait au contraire remonter le plus haut possible pour démanteler les trafics, ne pas s’arrêter « à la rue » mais viser les « gros bonnets » et les réseaux internationaux, ce qui demande beaucoup d’argent et surtout de temps, deux critères qui déplaisent aux hommes politiques ambitieux…
Il faudrait notamment prendre le temps de faire du vrai travail de renseignement, tellement l’omerta est présente dans certains quartiers, et se concentrer sur le trafic de drogues dures. Une petite digression à présent pour rappeler à certains journalistes sensationnalistes qu’il n’y a pas, pour le moment, de trafic d’armes dans les banlieues sensibles françaises, les armes présentent étant « juste » là pour protéger le trafic de drogue.

La deuxième raison de cette insuffisance est que l’accent n’est pas suffisamment mis sur l’argent. Les saisies de drogue (en hausse ces derniers temps) ne font pas tomber un trafic, c’est bien l’argent qu’il faut viser. Tous les grands mafieux sont tombés pour fraude fiscale, Al Capone le premier. Il faudrait ainsi augmenter les moyens de la lutte contre le blanchiment d’argent et les paradis fiscaux (voir un prochain article sur ce sujet), en donnant plus de moyens, de pouvoirs et de considération aux services fiscaux et en essayant de favoriser la coopération internationale entre services fiscaux. Mais il semble que ce dernier point ne soit absolument pas la priorité du gouvernement actuel (et de bien d’autres gouvernements d’ailleurs)…

2. Conjointement à une « police d’investigation », il faudrait aussi revenir à une certaine « police de proximité ». Enterrée en 2003 par monsieur « tolérance zéro » pour des raisons purement électoralistes, ce fut l’une de ses plus monumentales erreurs. A sa décharge, on rappellera que la police de proximité mise en place par le gouvernement Jospin restait insuffisante car elle avait été généralisée trop vite sans augmentation parallèle des moyens, par un J.P. Chevènement trop jacobin.
Par ailleurs, on remarquera que N. Sarkozy, une fois président de la République, est revenu partiellement sur ses erreurs, Michèle Alliot-Marie ayant créé en 2008 les Unités territoriales de quartier (Uteq) et les Compagnies de Sécurisation (CS) même s’il ne s’agit pas vraiment d’une police de proximité au sens ou beaucoup d’observateurs l’entendent.
Les Compagnies de Sécurisation sont en quelque sorte une « police de proximité de choc », une police anti-émeute de banlieues, composée de groupes très mobiles en uniforme et en civil et disposant de techniques et de moyens quasi-militaires (usage de Taser, Flashball, lunettes infrarouges, drones, hélicoptères…). Elles disposent aussi de moyens et pouvoirs judiciaires à travers une équipe de procéduriers.

Décrivons à présent la « police de proximité » que j’appelle de mes vœux. Il s’agirait tout d’abord de mettre fin à la politique du chiffre, de ne plus mettre la pression sur le personnel policier pour obtenir des résultats rapides mais médiocres, mais de leur laisser le temps de construire une action de long terme efficace. Cette « police de proximité » devra ainsi commencer par restaurer le contact avec les habitants et les jeunes des quartiers sensibles (ce qui va être bien difficile vu l’état des tensions actuelles, dû en partie à la stratégie policière évoquée dans l’article précédent). Elle serait composée de policiers connus de tous (joignables facilement par les habitants du quartier, par téléphone notamment) et disposerait de quelques « indics » fiables dans les quartiers.
Elle prendrait la forme de groupes mobiles très présents sur le terrain et connaissant les moindres recoins d’un quartier sensible. Ses policiers effectueraient une répression ciblée sur le noyau dur de délinquants au lieu de réaliser des contrôles d’identité systématiques et généralisés à tous les jeunes du quartier.
Une telle police spécifique aux « cités » nécessiterait en outre certains ajustements fonctionnels :
- Il faudrait tout d’abord affecter plus de moyens et d’effectifs dans les quartiers sensibles. Mais cette solution, très souvent évoquée par un Parti Socialiste en manque d’imagination, resterait largement insuffisante.
- Il serait aussi nécessaire de réaliser une meilleure formation des novices et de faire appel à plus d’hommes et de femmes d’expérience. Rappelons ainsi que 80% des policiers présents dans les banlieues sensibles sont de jeunes provinciaux à peine sortis de l’école de police…Par exemple, une formation spécifique et des avantages pourraient être donnés à des hommes et femmes volontaires pour travailler dans les quartiers les plus sensibles.
- Il s’agirait par ailleurs de mettre fin au fort « turn over » au sein des affectations de policiers et notamment des commissaires. Ainsi, une stratégie de long terme pourrait être mise en place par des équipes de policiers soudées et averties.
- Mais surtout il me semble primordial d’ouvrir la production de la sécurité à d’autres acteurs partenaires. C’est d’ors et déjà le cas avec les élus notamment, dans le cadre des Conseils Locaux de Sécurité et de Prévention de la Délinquance (CLSDP) mais cela reste selon moi insuffisant, la police étant un milieu très renfermé sur lui-même… On pourrait ainsi imaginer des instances de coproduction de la sécurité regroupant des policiers, des élus, des éducateurs, des personnels d’antennes de mairie et de l’éducation nationale…Enfin, il serait intéressant d’expérimenter des tentatives de « community policing » (comme aux Etats-Unis) à travers des séances de « problem solving » entre policiers et habitants d’un quartier, qui seraient encadrées par des chercheurs universitaires. Il s’agirait une fois de plus de coproduire la sécurité et de lutter contre le sentiment d’insécurité des habitants, les policiers rendant compte de leur action sur le quartier tandis que les habitants exerceraient un contrôle social collectif à l’échelle de celui-ci.

En résumé, il s’agirait donc d’associer police de proximité et police d’investigation, l’une et l’autre étant indissociable pour permettre une lutte efficace contre la délinquance et les trafics (notamment pour faire un travail de renseignement plus fouillé).

3. Par ailleurs, un autre pilier fondamental de cette stratégie passe évidemment par la prévention de la délinquance. Il s’agirait ainsi de donner une nouvelle fois plus de moyens et de considération aux éducateurs de rue, aux travailleurs sociaux, aux associations de quartier, aux personnels de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ)…
Par ailleurs, cette prévention de la délinquance passe logiquement par la lutte contre le décrochage scolaire au sein de l’éducation nationale (voir l’article suivant) et par une responsabilisation collective des parents par le biais de la participation (voir l’article à ce sujet).
A côté de cela, on remarquera qu’il existe déjà quelques dispositifs innovants (que je ne détaillerai pas) qui ont fait plus ou moins leurs preuves : avec par exemple, les offices de la tranquillité publique, les organismes de médiation citoyenne et les citoyens référents, ou encore les intervenants sociaux présents au sein de certains commissariats de police.

4. Pour finir je souhaiterais tenter de relancer un débat qui concerne la lutte contre le trafic de stupéfiants. Précisons d’ailleurs que le trafic de drogue ne représente qu’une partie seulement de l’économie souterraine présente dans certains quartiers avec le travail au noir en tout genre, les contrefaçons ou encore la revente de pièces détachées de véhicules motorisés.
J’ai insisté tout à l’heure sur la nécessité de mettre en place une véritable police d’investigation. Mais à vrai dire, dans certains quartiers (pas tous heureusement), les trafics sont tellement bien organisés et hiérarchisés, l’omerta est tellement installée au sein d’habitants effrayés (notamment les « nourrices »), que l’action policière aurait ses limites. Toute arrestation d’un « gros bonnet » ne ferait que susciter la convoitise de nouveaux dealers qui prendraient la suite. D’autant plus que la lutte contre les paradis fiscaux et l’évasion fiscale n’est vraiment pas pour demain et que la mise en place d’une police de proximité efficace demandera du temps.
Le trafic de drogue représentant environ deux milliards d’euros par an en France, il fait ainsi littéralement « vivre » certains quartiers. On remarquera cependant que seuls les gros bonnets gagnent beaucoup dans ce trafic, les petits dealers, les revendeurs, les nourrices, les jeunes qui « chouf » (surveillent)…se font carrément exploités ! Ils sont bien mal payés alors même que ce sont eux qui prennent le plus de risques et ceux sur lesquels porte le plus souvent l’action policière comme nous l’avons vu.

Bref, face à une situation parfois désespérée, je tente très modestement (en comparaison avec le courageux maire de Sevran : Stéphane Gatignon) d’ouvrir le débat sur la sortie de la prohibition des drogues douces, par la dépénalisation ou la légalisation.
Je précise tout de suite que je ne suis pas consommateur de drogue douce (ni dure d’ailleurs), même occasionnel, tous mes proches pourront en témoigner, je n’ai donc aucun intérêt personnel à la dépénalisation de telle ou telle drogue.
Pourtant arrêtons l’hypocrisie, il y a plus de quatre millions de consommateurs réguliers de cannabis en France ! L’alcool et le tabac sont deux drogues légalisées et qui ont elles aussi des effets dévastateurs.
La sortie de la prohibition pourrait peut être permettre de casser certains trafics en créant un nouveau cadre légal, un marché économique régulier. Cela permettrait possiblement de mettre fin aux règlements de comptes liés à la drogue et à l’omerta très présente dans certains quartiers, rendant ainsi le travail de la police plus facile et la vie de certains habitants complètement apeurés tout simplement « vivable ».
A côté de cela, on pourrait imaginer une multiplication des actions de prévention dans les collèges, lycées, boîtes de nuit ou encore la création de campagnes publicitaires anti-drogue douce sur le modèle des spots visant à lutter contre l’alcoolisme, le tabagisme ou pour la sécurité routière. Par ailleurs, des moyens supplémentaires pourraient être affectés aux centres thérapeutiques pour toxicomanes.
Tous ces dispositifs, qui seraient éventuellement financés par une forte taxe sur les drogues douces en vente libre, porteraient le message que « ce n’est pas parce que c’est légal, que ce n’est pas dangereux pour votre santé ». En outre, la vente de drogues douces dans un cadre légal permettrait sûrement de mieux contrôler la « qualité » des stupéfiants vendus, car dans le cadre des trafics, les drogues douces sont souvent mélangées avec des saloperies encore plus néfastes.
Cependant, le gros argument en défaveur de cette sortie de la prohibition reste le problème de la possible substitution à d’autres produits illicites, à la réorganisation des trafics vers des drogues plus dures ou vers le trafic d’armes…Ma supposition (et je peux me tromper) est que la réorganisation se fera pour les trafics les mieux organisés qui brassent beaucoup d’argent (auquel cas il faudra intensifier les investigations policières) mais que les nombreux petits trafiquants et revendeurs qui n’ont pas accès aux drogues dures n’y survivraient pas.

Pour résumé, je ne sais pas si c’est une bonne solution, mais ce que je sais c’est qu’un débat public sérieux qui pourrait s’appuyer sur différentes études scientifiques indépendantes sur la question devrait avoir lieu. Au lieu de ça, ce débat reste un tabou entre une droite démagogique et une gauche amorphe.

Liens utiles pour approfondir :

- BRONNER Luc ; La loi du ghetto : enquête dans les banlieues françaises.

VII.) "Education, education and education..."; l'Education Nationale :

Je tiens tout de suite à signaler que je m’y connais moins dans ce domaine, pourtant tout aussi primordial si l’on veut régler à terme la crise des banlieues.

Le constat concernant l’action de l’éducation nationale dans les quartiers sensibles est connu de tous et reste toujours aussi accablant. On ne compte plus en effet les professeurs de collèges ou de lycées (généraux ou techniques) déprimés et désemparés, qui n’arrivent plus à faire leur métier, devant alors se cantonner à faire de la discipline. Et ce ne sont pas les nombreux cris d’alarmes (tels que le film : La journée de la jupe) ou les placements en centres de réadaptation (tels que celui de La Verrière) qui semble changer les choses.
On ne reviendra pas non plus sur le niveau de ghettoïsation scolaire qui sévit dans ce pays, à l’origine d’énormes inégalités entre classes sociales.
Mais on pourra tout de même rappeler ce chiffre alarmant, à savoir que chaque année près de 150 000 jeunes sortent du système scolaire sans diplômes.

Alors évidement, il faudrait plus de professeurs, de surveillants, de moyens humains notamment dans les établissements classés en Zone d’Education Prioritaire (ZEP), mais une fois de plus, cette réponse classique d’une partie de la gauche reste largement insuffisante.

Il s’agirait ainsi premièrement de revenir sur le « saupoudrage » du dispositif ZEP en concentrant vraiment les moyens sur les établissements les plus difficiles (afin notamment de diminuer le nombre d’élèves par classe) au lieu de les éparpiller. En outre, il serait peut-être nécessaire de revenir sur l’assouplissement de la carte scolaire mis en place par le gouvernement actuel et de mieux contrôler les dérogations à celle-ci afin de ne pas constituer d’établissements « poubelles ».

Deuxièmement, il me semble primordial que les établissements scolaires (notamment les écoles primaires) soient ouverts sur le quartier, qu’ils organisent des activités socioculturelles et qu’ils accueillent les parents (voir le dispositif de « la mallette des parents » plébiscité par Martin Hirsch). Il faut ainsi tenter d’impliquer et de faire participer au maximum l’ensemble des parents au cursus scolaire de leurs enfants, en suivant peut-être l’exemple américain des « charter schools » (voir sur la participation, l’article à ce sujet). Bien sûr, il ne faut pas que cette ouverture se fasse au détriment de la sécurité des élèves et du personnel de l’éducation nationale.

Pour que ce deuxième point soit rendu possible, il faudrait que l’institution scolaire, très renfermée, bureaucratique et marquée par de lourds corporatismes s’ouvre… (Autant dire qu’il s’agit là d’une mission quasi-impossible…). Il faudrait en outre que de nombreux professeurs et personnels de l’éducation nationale en finissent avec leur discours très « IIIème République » d’égalitarisme républicain qui s’interdit toute mesure de « discrimination positive ».

Enfin, il s’agirait de lutter plus efficacement contre les inégalités et le décrochage scolaires. Si les internats d’excellence d’un côté, et les « écoles de la deuxième chance » de l’autre côté, sont de bons dispositifs, ils restent cependant insuffisants puisqu’anecdotiques.
Au reste, je ferai ici une digression sur l’incapacité de l’éducation nationale à gérer les mauvais élèves. En effet, alors que le recours trop fréquent de certains professeurs à la notation a pour conséquence de décourager les mauvais élèves, les punitions telles que l’exclusion agissent souvent comme une « prime à l’emmerdeur » pour les élèves perturbateurs, trop fiers d’avoir « réussi à quitter l’école ». Ils sont ensuite envoyés d’écoles en écoles, qui les excluent les unes après les autres…
Je n’y connais pas grand-chose, mais je pense que le courant de l’Education nouvelle, représenté notamment en France par Philippe Meirieu, est susceptible d’apporter des réponses intéressantes puisque ce courant défend le principe d'une participation active des individus à leur propre formation.
En outre, il me semble que la formation des professeurs devrait intégrer davantage de cours pratiques concernant la « gestion de classes turbulentes » (un exercice qui doit demander à mon avis une sacrée expérience…).

Par ailleurs, et toujours dans l’optique d’une ouverture de l’institution scolaire, je pense que la lutte contre le décrochage scolaire passe aussi par le fait de laisser une plus grande liberté aux innovations pédagogiques et aux initiatives et expérimentations locales développées par les équipes pédagogiques.
Je reviens une nouvelle fois sur deux dispositifs plébiscités par Martin Hirsch : « la mallette des parents » ou encore sur l’idée controversée de donner de l’argent à une classe afin de financer un projet collectif, si ses élèves ne sont pas absentéistes et qu’ils restent attentifs en cours (les élèves ayant ainsi un intérêt à être solidaires entre eux).
De plus, l’idée de classes « à géométrie variable » et celle des « micro-lycées » qui visent à « raccrocher les décrocheurs » me semblent intéressantes et devraient surement être généralisées. Elles rejoignent l’idée que je pose, et qui semblera peut-être folle à certains, de regrouper les élèves les plus turbulents dans une même classe avec un programme spécial, adapté, et des moyens humains plus importants pour tenter de les « récupérer » et de les réintégrer en cas d’amélioration dans les classes « normales ». Sans compter que cela permettrait d’améliorer l’ambiance de travail dans les classes « normales ».

Pour finir, et même s’il s’agit d’un thème plus général qui n’a pas grand-chose à voir avec l’éducation nationale et la crise des banlieues, je suis tout à fait favorable à l’instauration d’un service civique ou militaire (au choix) obligatoire (comme en Allemagne), ce qui rejoint l’idée d’une participation citoyenne active des individus et d’une éducation civique qui aurait selon moi des conséquences positives pour toute la société française, pour sa jeunesse et notamment celle des quartiers difficiles.

VIII.) La lutte contre le chômage:

Je tiens à signaler une nouvelle fois que je m’y connais moins dans ce domaine, qui est aussi important si l’on veut régler à terme la crise des banlieues, mais qui s’englobe dans une politique économique beaucoup plus large de lutte contre le chômage.

Rappelons pour commencer que dans certaines Zones Urbaines Sensibles, le taux de chômage des jeunes (18-25 ans) atteint parfois jusqu’à 40%, et davantage encore concernant les personnes sans qualifications…Je ne reviendrai pas ici sur ma remarque concernant la « corrélation » entre chômage et délinquance (voir à ce sujet l’article « Police et polis : l’état des lieux police).

La lutte contre le chômage étant un problème de société beaucoup plus large, il s’agira simplement ici de donner quelques pistes concernant la lutte contre ce phénomène au niveau des quartiers sensibles. Il faudrait ainsi, de manière bien générale j’en conviens :

- Que les pouvoirs publics favorisent davantage l’insertion et les formations professionnelles des jeunes de quartiers sensibles, à travers le dispositif des « missions locales » et les « maisons de l’emploi et de la formation » notamment.
- En outre, les collectivités locales devraient généralisées les clauses sociales (et environnementales) au sein de leur chartes de marchés publics afin que les habitants des quartiers sensibles soient embaucher en priorité.
- Par ailleurs, dans le cadre des nombreuses opérations de renouvellement urbain, les entreprises chargées de ces opérations devraient embaucher davantage (car c’est parfois déjà le cas) les habitants des quartiers concernés par ces opérations.
- Sur le modèle des « Community Development Corporations » (CDC) américaines ont pourrait imaginer des agences de développement local gérées par les habitants d’un quartier (ce qui rejoint l’idée de participation des habitants évoquée dans un article précédent) qui tenteraient de soutenir la création et l’extension d’entreprises locales, de magasins de quartiers, et qui essaieraient de favoriser les circuits courts économiques afin que les capitaux des habitants s’investissent au sein de leur quartier.
- De plus, les entreprises de l’ « économie sociale et solidaire » (ESS, voir un article futur au sujet de la « reconversion écologique de l’économie »), les SCOP notamment (sociétés coopératives de production) en pleine expansion actuellement, pourraient (comme c’est déjà un peu le cas) s’installer et investir principalement dans les quartiers sensibles.
- Ensuite, il faut s’efforcer de lutter contre l’enclavement économique des quartiers sensibles en mettant notamment en place une meilleure desserte de transports en commun et un meilleur accès aux grandes voies de transport (RER, autoroutes…) afin de permettre un accès facilité aux bassins d’emplois.
- Enfin, il est à noter que le dispositif de Zone Franche Urbaine (ZFU), qui vise à attirer des entreprises dans les quartiers sensibles par de multiples exonérations fiscales, reste plutôt inefficace (étant parfois détourné avec l’implantation de « sociétés écrans ») mais surtout très coûteux.

Au demeurant, il est évident que la lutte contre le chômage est fortement liée en amont avec l’action de l’éducation nationale, contre le décrochage scolaire notamment (voir l’article à ce sujet). En outre, il s’agirait aussi de revaloriser (enfin) les filières techniques.

IX.) Politique d'immigration:

S’agissant d’un problème une nouvelle fois plus large, la lecture que j’en ferai ici sera limitée principalement à son lien avec la crise des banlieues.

Dans le cadre du processus de ghettoïsation à la fois social et ethnique de certains quartiers, la question de l’immigration semble primordiale. Selon moi, la politique de l’immigration ne devrait pas tellement se focaliser sur la régulation des immigrants, comme c’est le cas actuellement, mais bien plus sur leurs intégration « post-entrée » sur le territoire français.

Ainsi, la politique d’immigration actuelle me semble en bonne partie absurde et vouée à l’échec. Il est en effet illusoire de penser que l’on arrivera à « fermer nos frontières » ou à « choisir » notre immigration, étant donné le niveau actuel des inégalités économiques et sociales entre les pays du Nord et ceux du Sud (voir la rubrique rapports Nord/Sud).
La politique du chiffre du fameux « Ministère de l’immigration, de l’intégration et de l’identité nationale », qui établit des « quotas prévisionnels » du nombre d’immigrés clandestins à expulser, reste largement inhumaine et par ailleurs très couteuse. De plus de nombreux policiers sont mobilisés à ces fins alors que comme nous l’avons vu, il y aura des missions bien plus urgentes à remplir !

Bref, mon propos n’est pas ici de rentrer dans le débat passionné sur l’immigration. Mais je rappellerai tout de même certains points plus ou moins connus à ce sujet :
- Tout d’abord, il me semble qu’il ne faut pas avoir une lecture trop misérabiliste de l’immigration. Effectivement, nombreux sont les immigrants diplômés (« la fuite des cerveaux ») qui viennent s’installer dans notre pays.
- Ensuite, il faut rappeler l’apport économique considérable que représente le recours à l’immigration (bien plus important que son coût supposé pour notre pays, contrairement à ce qu’assure le Front National). En effet, alors que les immigrants diplômés sont souvent à l’origine d’innovations à l’heure de la mondialisation, les « sans papiers » sans qualifications réalisent surtout des métiers ingrats et pourtant essentiels à la marche de ce pays et payent eux aussi leurs impôts.
- En outre, le recours à l’immigration permet aussi un apport démographique (expliquant notamment notre place de « premier de la classe : Europe occidentale » en terme de natalité) décisif pour le financement futur de notre système de sécurité sociale et de retraites ; sans parler de l’apport culturel…
- Enfin, dans un pays qui déclare fièrement au reste du monde être la « patrie des droits de l’Homme », il faudrait rappeler le caractère inaliénable du droit d’asile politique, de plus en plus bafoué par notre pays…

Pour revenir au problème de la ghettoïsation sociale et ethnique des quartiers sensibles, je rappelle donc que selon moi, la politique de l’immigration doit avant tout se concentrer sur l’intégration des primo-arrivants et non sur leur régulation.
Il me semble ainsi primordial de diversifier les espaces d’accueil de ces primo-arrivants afin d’éviter leurs concentration dans certains quartiers et logements insalubres (qui sont souvent la propriété de « marchands de sommeils » sans scrupules), qui ne fait qu’aggraver le phénomène de ghettoïsation. Pour cela, il faut à la fois créer de nouveaux logements sociaux et lutter contre la formation d’une société française ségréguée de « l’entre-soi », par une véritable application de la loi SRU notamment (voir l’article introductif).
Par ailleurs, il faudrait réformer ou du moins renforcer l’importance du Contrat d’accueil et d’intégration (CAI) des primo-arrivants en s’assurant notamment que l’accès aux cours d’apprentissage de la langue française soient effectifs.

A présent et pour parler sans tabous, on rappellera à certains de nos concitoyens qui déplorent légitimement le fait que certains parents laissent leurs enfants à eux-mêmes, « trainer dehors » à des heures tardives, que ce n’est pas tellement le fait d’une « démission parentale » mais plutôt le résultat d’un « choc culturel » pour ces parents parfois perdus voire déboussolés par le fonctionnement de la société française.
En effet, certains parents immigrés ayant hérités d’une vision collective de l’éducation ont tendance à perdre leurs repères dans une France où l’éducation se construit avant tout dans le cadre du modèle de la « famille nucléaire ».
Ce constat renforce ainsi l’idée que notre politique d’immigration doit avant tout être basée sur l’intégration (une idée qu’il faut d’ailleurs différencier de celle, stupide et illusoire d’«assimilation »).
Par ailleurs, l’autorité de certains parents est aussi fragilisée par l’éventuelle faiblesse de leur statut social (chômeurs, travailleurs précaires aux heures de travail tardives), par leur éventuelle connaissance limitée de la langue française ou encore par leur possible statut d’« assistés » qui fait parfois honte à leurs enfants. Plus simplement, on rappellera la difficulté pour les parents d’élever des enfants dans un milieu social particulièrement défavorisé.
Au reste, comme le rappelle souvent l’ancien maire de Chanteloup-les-Vignes, Pierre Cardo, le fait que certains enfants soient apparemment laissés à eux-mêmes s’expliquent aussi très concrètement par le fait que certaines familles nombreuses vivent dans des logements à l’origine prévu pour des ménages de deux à quatre personnes. Ainsi, le manque de place pousse les jeunes à rester le plus longtemps à l’extérieur du domicile familial.

Au-delà d’une nouvelle politique d’immigration, on voit bien que la solution passe entre autres, par une plus forte mixité sociale et ethnique (voir l’article introductif) ou encore par l’idée de participation des habitants, de responsabilisation collective des adultes (voir l’article à ce sujet).

D’autre part, et sans trop rentrer sur un terrain que je ne maitrise pas, je pense que les problèmes d’intégration d’une partie de notre immigration, plus ancienne, sont aussi liés au passé colonial troublé de notre pays, qui à l’instar de la guerre d’Algérie, reste une plaie encore non refermée. Pour faire évoluer la situation sur ce terrain, le travail des historiens, mais aussi de commémoration et de reconnaissance collective me semble logiquement primordial.


Il est en ainsi aberrant de constater que certains fils et filles d’immigrés maghrébins soient considérés par une partie de la société française (ou se considèrent…) aujourd’hui encore comme les enfants de la « troisième » ou « quatrième » génération d’immigrés et toujours pas comme de simples français…

Pour en finir avec cet article un peu décousu j’en conviens, quelques mots sur « l’islam radical ». Inutile de constater la véritable « crispation » de la société française laïque à ce sujet. En accord avec la lecture que je fais de la crise des banlieues, l’implantation réelle ou fantasmée de l’islam radical dans certains quartiers est selon moi avant tout une conséquence du phénomène de ghettoïsation avant d’être un facteur de communautarisme.
Pour contrecarrer l’idée très en vogue d’une soi-disant « islamisation de la société française », on rappellera à ses partisans que les islamistes ne « tiennent » absolument pas les différents quartiers sensibles comme l’on notamment prouvés les émeutes de l’automne 2005. Par ailleurs, ces personnes, qui voient d’un si mauvais œil la construction de nouvelles mosquées, seraient bien aviser de comprendre que la construction de lieux de cultes dignes et officiels est le meilleur moyen d’éviter l’implantation d’islamistes dans certains quartiers sensibles. Notons, pour ne pas s’enfermer dans une position de détracteur systématique, que dans ce domaine, Nicolas Sarkozy a été plutôt exemplaire en soutenant la création du Conseil Français du Culte Musulman (en 2003), ainsi que la construction de nouvelles mosquées.
J’en termine ici car ce sujet certes connexe (et traité abondamment dans la presse) est pour moi différent de celui de la crise des banlieues. Je pourrais y revenir si je vois que c’est un sujet qui intéresse (notamment sur la burqa, le voile islamique à l’école, les carrés musulmans dans les cimetières, l’alimentation hallal, la construction de mosquées et de minarets…).

I.)A.) Commerce, agriculture et faim dans le monde : pourquoi un milliard de personnes sous-alimentées dans le monde ?

A.) INTRODUCTION:

Selon la FAO (Food and Agriculture Organization of the United Nations), on comptait en 2009 plus de un milliard de personnes sous-alimentées de manière chronique à travers le monde. Un milliard de personnes qui mangent moins que les 2100 calories nécessaires par jour à un homme (ou que les 1800 calories nécessaires à une femme) pour éviter les carences nutritionnelles et pour pouvoir continuer à vivre en bonne santé. Un milliard de personnes qui ne mangent souvent qu’une seule fois par jour et qui ne peuvent penser à autre chose qu’à leur prochain repas. Un milliard de personnes qui mange en outre une nourriture bien souvent de mauvaise qualité ou bien peu diversifiée (faisant ainsi partie des victimes de la « malnutrition », encore bien plus nombreuses).

Mais attention. Il ne s’agit pas là de personnes souffrant de disette voire de famine, qui sont « heureusement » des épisodes conjoncturels liés le plus souvent à des catastrophes naturelles (sécheresse, inondations, séisme…) ou à des conflits. Non, ce ne sont pas là les petits enfants squelettiques aux ventres rongés par la faim, que nos médias en recherche d’images « spectaculaires » nous montrent parfois à l’heure du…diner.

Mais alors, qui sont ces personnes sous-alimentées ?
Paradoxalement, il s’agit avant tout d’individus vivant en zone rurale, et parmi eux principalement des agriculteurs ! Cependant on dénombre de plus en plus de personnes sous-alimentées en zone urbaine. Ces derniers ne sont souvent que d’anciens agriculteurs venus remplir les bidonvilles de certaines mégalopoles dans l’espoir d’un avenir meilleur (expliquant ainsi en grande partie le double phénomène mondial d’exode rural et de paupérisation urbaine).
Par ailleurs, les personnes sous-alimentées sont avant tout des femmes.
Les principaux foyers de sous-alimentation sont sans surprises l’Asie du sud-est (plus de 60% des personnes sous-alimentées) et l’Afrique sub-saharienne (plus de 20% des personnes sous-alimentées), qui comparativement à sa population totale est la région la plus touchée du monde.

Par ailleurs, selon une très sérieuse étude de la FAO, si l’ensemble des terres agricoles (disponibles et envisageables) étaient utilisées de manière optimale et durable (soit en partie dans le cadre d’une agriculture biologique) et si l’humanité toute entière suivait un mode de consommation raisonnable (en mangeant peu de viande notamment), nous serions en mesure de nourrir correctement environ 12 milliards d’êtres humains !

Aussi, la sous-alimentation n’est donc pas la résultante d’un manque de production à l’échelle mondiale. Bien au contraire, la production agricole des pays développés est souvent excédentaire et nous disposons de stocks plus ou moins volumineux ! Le problème principal, la cause « directe » de la sous-alimentation est donc la pauvreté et le trop faible pouvoir d’achat des plus pauvres.

Nous allons à présent exposer les causes structurelles de la sous-alimentation et dans un même temps émettre des propositions pour y mettre fin. Puis, nous présenterons les « fausses bonnes solutions » proposées par certains pour résoudre ce fléau.

I.)B.) Commerce, agriculture et faim dans le monde : pourquoi un milliard de personnes sous-alimentées dans le monde ?

B.) CAUSES STRUCTURELLES ET PROPOSITIONS:

Dans cet article, je me concentrerai sur le domaine de l’agriculture mais il faut bien comprendre que les mécanismes économiques et politiques décrits ci-dessous s’appliquent peu ou prou au reste du secteur primaire d’extraction de matières premières (pétrole, minerais, bois, uranium…) et même à d’autres secteurs d’activités économiques.

Je vais à présent exposer les raisons qui expliquent selon moi en grande partie pourquoi un milliard de personnes souffrent de malnutrition chronique aujourd’hui dans le monde. Dans le même temps, j’essaierai de faire des propositions. Notez par ailleurs que ces raisons ne sont pas spécialement classées par ordre d’importance.

En 2008, des « émeutes de la faim » ont éclaté un peu partout dans les pays en développement. Ces émeutes étaient la résultante d’une forte hausse des prix des principales céréales. Cette augmentation s’expliquait en partie par le faible niveau des récoltes mondiales cette année -là. Depuis, les prix ont bizarement diminués de manière tout aussi brutale.
Or, cette volatilité des cours mondiaux ne s’explique pas seulement par le simple jeu de l’offre et de la demande. Du moins, cette instabilité est largement accentuée par les phénomènes de spéculation boursière, c’est-à-dire par l’activité de « négoce à court terme » des traders du monde entier et notamment de ceux de la Bourse des matières premières basée à Chicago. Cette activité de « trading » fait ainsi augmenter (ou baisser, c’est selon) les prix de manière artificielle et disproportionnée.
Pour enrayer les mécanismes de ce « yo-yo » boursier (d’autant plus sur les produits de première nécessité que sont les produits agricoles!), il faudrait entre autres instaurer une taxe sur les transactions financières (la fameuse taxe Tobbin prônée par Attac depuis bien longtemps. Voir la rubrique fiscalité).
On notera par ailleurs qu’en 2008, de nombreux courtiers ont attendu que les prix montent au plus haut (en stockant les céréales) avant de commencer à vendre et exporter, quand bien même certains mourraient de faim…

Au demeurant, la baisse des prix actuelle est un repli en trompe l’œil, les cours mondiaux étant de toute façon appelés à monter à plus long terme. En effet, depuis quelques années la demande en céréales augmente considérablement sous l’effet d’au moins deux facteurs :

Premièrement, de plus en plus de terres agricoles (notamment dans les pays du Sud) sont accaparées afin de produire ce que l’on appelle des agro carburants. Ces derniers sont considérés par certains comme une alternative au pétrole et un moyen de lutter contre le réchauffement climatique. Mais de nombreuses études ont montré que leur bénéfice écologique était plus que douteux (forte consommation d’énergie nécessaire à la production de ces agro carburants), en tout cas pour ceux dits de « première génération ». Depuis 2006, ces agro carburants ne font donc qu’aggraver la crise alimentaire mondiale. Il s’agirait selon moi d’en finir progressivement avec la production de ces agro carburants de première génération et de réserver en priorité l’exploitation des terres agricoles (notamment dans les pays du Sud) à la simple production de nourriture pour les humains.

Deuxièmement, la demande de céréales progresse considérablement sous l’effet de l’augmentation du niveau de vie de nombreuses personnes et l’émergence d’une « classe moyenne » dans les pays émergents tels que la Chine, l’Inde, le Brésil…Ces personnes voulant suivre le « modèle » occidental mangent de plus en plus et notamment plus de viande et de produits laitiers. De plus, nous autres occidentaux continuons aussi à surconsommer ces produits.
Or, pour créer une calorie animale, il faut en moyenne produire sept calories végétales ! En outre, les élevages intensifs et la nourriture donnée aux animaux de ces élevages qui provient elle-même d’une agriculture intensive ont des conséquences désastreuses pour l’environnement (forte empreinte écologique, emploi de pesticides, fongicides, antibiotiques voire d’OGM, pollution des eaux, destruction de la biodiversité…).
Alors, si manger moins de viande est avant tout un geste écolo (voir un prochain article à ce sujet), cela permettrait aussi à plus long terme de libérer des terres agricoles pour la simple production de l’alimentation végétale des Hommes.

Mais la sous-alimentation ne s’explique pas seulement par la hausse de la demande mondiale de céréales et donc des prix de ceux-ci. Il existe aussi des facteurs plus structurels.

Tout d’abord, on peut revenir sur l’impact de la politique néolibérale du FMI et de la Banque Mondiale. En effet, les prêts ou l’aide économique que ces deux organisations internationales fournissaient et fournissent aux pays touchés par de graves problèmes économiques s’accompagnent de ce que l’on appelle des « plans d’ajustements structurels » (PAS). Ces PAS, qui visent à priori à restaurer la situation économique des pays touchés, comprennent souvent des mesures de coupes budgétaires dans les budgets sociaux, de santé ou d’éducation, des privatisations des services publics, mais aussi de libéralisation du commerce (affaiblissement des protections douanières notamment) et enfin de promotion d’une agriculture d’exportation spécialisée sur un ou quelques produits (coton, arachide, cacao…). Au-delà de leurs impacts écologiques (transport des produits agricoles et développement de la monoculture), ces mesures ont notamment pour conséquence de rendre les pays les moins avancés (PMA) aidés par le FMI et la Banque Mondiale fortement dépendants de l’évolution des cours mondiaux.
Il s’agirait donc de mettre un terme à la politique de ces deux institutions qui s’inscrit dans ce que l’on appelle parfois le « consensus de Washington » (soit l’ensemble des mesures standard appliquées aux économies en difficulté face à leur dette par la Banque mondiale et le FMI, soutenues par le Département du Trésor américain ; le siège de ces trois institutions se trouvant à Washington D.C).

Mais, le FMI et la Banque Mondiale ne sont pas les seuls à prôner la libéralisation du commerce en matière agricole. Effectivement, de nombreux accords commerciaux bilatéraux et multilatéraux tels que les Accords de Partenariat Economique (APE) signés entre l’Union Européenne et les pays dits ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique) visent à développer de telles pratiques.

Par ailleurs, le cycle de Doha effectué sous l’égide de l’OMC tente lui aussi de libéraliser les échanges en matière agricole. Cette ronde de négociations est cependant actuellement au point mort.

Arrivé à ce stade de mon article, certains se demandent sûrement quel est le rapport entre la sous-alimentation d’un milliard d’individus et la libéralisation du secteur agricole ?
Après tout, de nombreuses personnes telles que l’ami Pascal, directeur général de l’OMC, (quel jeu de mot !), nous assurent que pour se développer les PMA devraient écouter Smith et Ricardo, ouvrir leurs frontières et se spécialiser dans un domaine économique où ils disposent d’un « avantage comparatif » !

Mais enfin quelle est la compétitivité des paysans des Pays les Moins Avancés face à l’agriculture mécanisée, subventionnée et hautement productive de nos pays riches ??

On compte actuellement dans le monde 1,3 milliard d’exploitations agricoles. Sur ces 1,3 milliard d’exploitations, 30 millions sont mécanisées, 500 millions font appel à la traction animale, et 800 millions à la simple force des mains et d’éventuels outils…Inutile de vous faire un dessin de la répartition mondiale de ces exploitations…

L’ouverture des frontières des PMA et la spécialisation vers une agriculture d’exportation ne fait qu’éliminer du circuit économique les millions de petits paysans du Sud qui pratiquent une agriculture familiale et vivrière.

Par ailleurs, les PMA subissent ce que l’on appelle une « dégradation des termes de l’échange ». Il s’agit d’une baisse du pouvoir d'achat des exportations de ces pays en termes d'importations. Ainsi, tandis que les pays du Nord produisent et exportent des produits manufacturés, voire maintenant dématérialisés, très chers et qui demandent peu de main d’œuvre ; les pays du Sud exploitent et exportent des matières premières bien moins chères et qui demandent beaucoup de main d’œuvre...

On dit souvent que le libre échange est un « jeu à somme positive ». C’est sûrement le cas pour les pays riches voire les pays émergents. Mais on est loin d’un échange « win-win » en ce qui concerne les pays les plus pauvres de la planète…

De surcroît, les pays riches, en subventionnant leurs exportations agricoles, pratiquent une concurrence déloyale évidente (ou « dumping agricole ») à l’endroit des Pays les Moins Avancés. Ainsi dans le cadre de la Politique Agricole Commune (PAC) de l’Union Européenne ou de la « Farm Bill » américaine, de telles subventions aux exportations sont prévues, ce qui a pour conséquence dans les PMA de rendre moins chers les produits agricoles venus des pays riches en comparaison avec les productions locales…
En soit l’idée de subventionner son agriculture (du moins une certaine agriculture) me convient tout à fait. En revanche je trouve l’idée de subventionner de manière directe ou indirecte ses exportations, destinées entre autres aux pays pauvres, proprement scandaleuse. Il s’agirait donc notamment de réformer la PAC (voir un prochain article détaillé à ce sujet). On notera tout de même que dans le cadre des Accords de Partenariat Economique (ACE) de l’UE, de telles pratiques sont appelées à disparaître.

Pour couronner le tout, un phénomène nouveau et en pleine extension risque de tuer définitivement toute agriculture vivrière dans les PMA. En effet, de nombreux pays émergents qui ne disposent que de peu de terres agricoles ou de ressources en eau, tels que l’Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unis, la Corée du Sud, l’Indonésie ou même la Chine, achètent ou louent des terres agricoles dans les PMA, afin d’assurer leur indépendance alimentaire. Ces ventes ou locations à très long terme (parfois pour 100 ans !) et à bas prix se font par le biais de multinationales du secteur agro-alimentaire ou de fonds de pensions. Les récoltes effectuées sur ces terres sont évidemment en très grande partie exportées vers les pays « propriétaires ou locataires » sans que cela ne profite réellement aux populations locales. En outre, si certains contrats prévoient de développer les infrastructures des pays, il s’agit avant tout d’infrastructures visant à exporter plus facilement et rapidement les récoltes (routes, ports, canalisations pour l’irrigation…), développant ainsi en quelque sorte un « néocolonialisme Sud-Sud ».

Enfin, de manière plus large, la pratique des commissions données aux importateurs par les pays exportateurs afin d’inciter au commerce, poussent certains dirigeants et fonctionnaires corrompus dans les PMA à préférer importer des denrées alimentaires plutôt qu’à développer une agriculture vivrière locale, dans leurs intérêts personnels.

Toutes ces pratiques, qui libéralisent le commerce dans le secteur agricole et qui développent ainsi une agriculture d’exportation dans les PMA sont donc selon moi à l’origine de la sous-alimentation de plus d’un milliard d’individus et de toutes les conséquences que cela peut entrainer (exode rural, paupérisation urbaine, difficultés à réaliser un développement économique…).

Il faudrait donc réviser la politique du FMI et de la Banque Mondiale ; encadrer très fortement tous les accords commerciaux bilatéraux et multilatéraux avec des PMA, dans le cadre de l’OMC notamment (voir un prochain article concernant une réforme de l’OMC), ainsi que la pratique des commissions. Il s’agirait aussi d’interdire toute subvention à l’exportation vers les PMA dans le cadre de la PAC ou de la Farm Bill. Enfin, il faudrait réviser voire annuler certains contrats d’achats ou de location de terres par les pays émergents.

Mais au-delà de toutes ces mesures, il faudrait surtout que les Pays les Moins Avancées mettent eux aussi en place une politique agricole commune dans un cadre régional, à l’instar de l’Union Européenne. Il s’agirait notamment d’instaurer des taxes à l’importation et des droits de douanes afin de favoriser leurs produits nationaux ou régionaux. D’autre part, des subventions (qui proviendraient en partie de l’Aide Publique au Développement : voir un prochain article à ce sujet) permettraient d’encourager le développement d’une agriculture locale vivrière et biologique (qui créerait des emplois contrairement à l’agriculture d’exportation). Ces subventions pourraient notamment servir à construire des infrastructures agricoles et à financer des formations d’agronomes. Le but d’une telle politique serait que ces pays atteignent enfin (lorsque c’est possible) leur souveraineté alimentaire au niveau local, national ou régional.
Par ailleurs, cette politique agricole devrait en parallèle permettre développer les droits des femmes, qui participent en grande partie à l’agriculture et à l’élevage dans les pays du Sud.
En outre, dans le cadre d’une Recherche et Développement massive au niveau mondial (voir un prochain article sur la reconversion écologique de l’économie) dans les technologies, l’agronomie et la chimie verte, on pourrait imaginer des programmes d’échanges réciproques de savoirs (RERS) tant au niveau global que local, qui profiterait aux pays du Sud.
Une telle politique agricole s’inscrit dans la théorie de l’économiste allemand Friedrich List dite du « protectionnisme éducateur ». Celui-ci a pour objectif de développer sur le moyen terme le marché local, national ou régional et le protéger de la concurrence étrangère, afin de permettre sur le long terme une ouverture vers un libre-échange qui ne soit pas à sens unique. Il s’agit donc d’un protectionnisme temporaire, qui permettra ensuite de développer un véritable libre échange « win-win ».
Cependant, on pourrait même imaginer dans un cadre plus utopique, à plus long terme, une relocalisation de l’économie (voir l’article sur la reconversion écologique de l’économie) à l’échelle mondiale, qui permette à chaque région du monde, dans la mesure du possible, de développer des « circuits courts » économiques et une situation d’indépendance alimentaire et énergétique. Cela se traduirait notamment par une réduction des pollutions liées au transport de marchandises, le commerce de ceux-ci se limitant alors au strict nécessaire.