Pourquoi ce blog ?

Bienvenue à tous les visiteurs de ce blog !

Par le biais de ce blog, je souhaite vous faire part de mes positions politiques (les poser à l’écrit) sur certains sujets qui me semblent cruciaux et/ou peu abordés (crise des banlieues, rapports Nord/Sud, Ecologie, Fiscalité…).
De plus étant bien triste de constater à quel point les individus ont tendance à démissionner chaque jour un peu plus de leur rôle de citoyen, pour préférer un simple rôle de travailleur/sur-consommateur, ce blog sera ma très petite contribution pour essayer d’informer, faire connaître mes positions et ouvrir un débat entre citoyens.
Par ailleurs, à travers les articles de ce blog vous verrez que : faire des propositions est essentiel pour moi, car critiquer c’est bien, mais proposer une alternative c’est mieux !
D’où le titre de ce blog : alternatives citoyennes. Au reste, le but de ce blog n’est pas tellement pédagogique, pour cela je vous renvoie notamment vers des liens très intéressants.
Enfin, vos contributions, remarques, points de vue et critiques (constructives) sont évidemment les bienvenues.
Petite remarque : j’aurais parfois tendance à forcer le trait et à tenir des propos corrosifs, ceci dans l’unique but de rendre la lecture de ce blog plus captivante.

Martin Besnier

jeudi 30 décembre 2010

Pour une réforme juste et ambitieuse de la fiscalité nationale :

Derrière une complexité repoussante, l’enjeu de la fiscalité est crucial. C’est là que se joue ni plus ni moins la justice sociale !

Je vous renvoie directement à l’article précédent sur la fiscalité internationale et européenne (lutte contre les paradis fiscaux, Serpent Fiscal Européen et harmonisation fiscale européenne par le haut, nouvelles taxes internationales (TTF, kérosène…)) pour contrer tout de suite tous les arguments portant sur le « dumping fiscal » ou la perte de « compétitivité », « d’attractivité »…

Alors que le gouvernement va semble-t-il lancer prochainement une réforme fiscale (qui devrait se limiter à la double suppression du bouclier fiscal et de l’impôt sur la fortune), il faut assurer qu’une bonne et ambitieuse réforme de la fiscalité nationale devrait favoriser les impôts directs et progressifs plus justes que les impôts indirects et proportionnels. On entend par impôt progressif (tel que l’impôt sur le revenu), un impôt dont le taux augmente en fonction du niveau de richesse, contrairement à un impôt proportionnel (tel que la TVA) où là que vous soyez SDF ou milliardaire le taux d’imposition sera le même.
Dans le cadre d’un système fiscal relevant majoritairement d’impôts proportionnels, comme c’est le cas en France (60% de nos recettes fiscales proviennent de tels impôts, à commencer par la TVA), ce sont donc les classes moyennes et populaires ainsi que les PME et TPE qui, proportionnellement à leur revenus, payent injustement beaucoup plus d’impôts que les plus riches et les FMN…Promouvoir les impôts proportionnels, c’est promouvoir les inégalités de revenus.

Proposons à présent quelques idées pour une réforme fiscale juste et ambitieuse :
- Mettre un terme au bouclier fiscal, cette mesure certes symbolique mais symbolique de l’injustice sociale dans ce pays.
- Mettre fin à l’Impôt sur la Fortune ? Pourquoi pas si c’est pour simplifier notre système fiscal, mais à une condition non-négociable :
- Créer de nouvelles tranches d’imposition concernant l’impôt sur le revenu (qui rappelons le ne correspond actuellement qu’à 16% de nos recettes fiscales). Pourquoi pas faire payer de manière symbolique les actuels 50% non imposables de l’ISR (qui payent cependant bien d’autres impôts et certainement plus que les plus riches, proportionnellement à leur revenus), mais surtout donc créer de nouvelles tranches en haut. Il faut voir jusqu’à quel taux on décide d’aller, mais cette idée peut quelque part rejoindre celle du « Revenu Maximal » non pas en fixant un niveau maximum de revenus mais par le biais d’une très forte taxation. Pour exemple, aux USA, un certain Franklin Delanoe Roosevelt a porté progressivement (de 1932 à 1941) le taux de l’impôt fédéral sur le revenu applicable aux plus riches jusqu’à 91% !!
- S’assurer que nos FMN cotées au CAC 40 et aux bénéfices mirobolants payent bien leur impôt sur les sociétés (IS) à hauteur de 33% de leurs revenus comme prévu par la loi. Christine Lagarde elle-même reconnaît que le taux réel pour les FMN françaises tourne seulement autour de 20%, à cause notamment de la technique des prix de transfert (voir l’article sur les paradis fiscaux), ce qui représente un manque à gagner de plus de 8 milliards d’euros pour l’Etat.
- Par ailleurs, tandis que nos PME et TPE, en grande difficulté et qui pourtant sont les véritables créatrices d’emplois en France, payent environ 2,3 fois plus d’impôts que nos FMN selon le Conseil des Prélèvements Obligatoires (CPO) ; il s’agirait donc de réorienter nos exonérations fiscales et aides publiques vers ces petites entreprises et non auprès de nos FMN…
- Mettre en place une CSG (Contribution Sociale Généralisée) progressive et non plus proportionnelle.
- Taxer davantage les stock-options, et les parachutes dorés, et plus largement tous les bénéfices qui ne sont pas réinvestis sous forme d’augmentation des salaires ou d’investissement dans nos entreprises.
- Baisser la TVA (qui rappelons le est un impôt indirect et proportionnel injuste qui représente près de 50% de nos recettes fiscales) sur les produits de première nécessité et les produits écologiques.
- Créer la Contribution Climat Energie telle qu’elle est entendue par les Verts et Hulot, (qui s’appliquerait donc aussi aux grandes industries polluantes), pour faire évoluer nos esprits et pour financer en partie la conversion écologique de notre économie. De manière plus générale, il faut repenser notre système fiscal afin de taxer davantage la dépense d’énergie que le travail ! (la fiscalité écologique fera l’objet d’un prochain article).
- Même si ce n’est pas le sujet de notre article, il faudra aussi réformer nos impôts locaux particulièrement injustes et complexes.

Pour finir, toutes ces réformes en plus d’être justes devront bien évidemment amener plus de recettes fiscales à notre Etat actuellement déficitaire (voir l’article précédent pour de nouvelles recettes fiscales mais aussi celui concernant la dette publique).

mercredi 29 décembre 2010

L’enjeu culturel dans l’intégration des immigrés et dans la résolution de la crise des banlieues :

Cet article reprendra des idées que j’ai déjà évoquées, et fait notamment suite à l’article « Politique d’immigration », mais en mettant l’accent sur l’aspect culturel que j’avais minoré jusqu’à présent. Il faut aussi noter que cet article fait suite à la lecture de l’ouvrage d’Hugues Lagrange : Le déni des cultures ; il est principalement à destination de certaines personnes de droite qui n’ont pas lu ou mal lu le livre de H. Lagrange et s’en sont honteusement servi à des fins politiques.

A ceux qui se demandent pourquoi s’engager pour des causes internationales alors qu’il existe déjà tant de problèmes en France, je répondrais que, (au-delà de simples convictions morales), nous ne vivons plus aujourd’hui dans des sociétés nationales mais bien « post- nationales» dans le cadre de la mondialisation, ce qui implique que « nos » problèmes économiques, sociaux, écologiques…sont de plus en plus liés au reste du monde…

Ainsi, notre actuel monde « globalisé » et interdépendant étant de plus en plus inégalitaire (écarts de plus en plus monstrueux entre pays du Nord et du Sud et entre individus à l’intérieur des pays), la pression migratoire (légale et clandestine) vers les pays du Nord est inéluctablement vouée à s’accroître. On peut prendre ici l’exemple des populations des zones du Sahel (sur lequel nous reviendrons), qui par la combinaison de l’extrême pauvreté et de la sécheresse (accentuée par le changement climatique) sont obligées d’émigrer.

En outre, pour paraphraser Michel Rocard, si « la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde, elle doit cependant savoir en prendre fièrement sa part » (la deuxième partie de la phrase étant systématiquement oubliée par la droite…). Ce qui implique que la question à se poser en terme d’immigration n’est pas tellement de savoir « par quels moyens limiter les flux migratoires ? » mais plutôt « comment mieux intégrer les personnes immigrées pour éviter les tensions ? ». De plus, pour reprendre les propos d’Hugues Lagrange d’une banale vérité : « un pays qui se ferme est un pays sans avenir ».

Avant de tenter de répondre à la question que nous venons de poser, nous allons tout d’abord étudier très succinctement le cas des « Soninkés » (une ethnie de la vallée du fleuve Sénégal) pour mieux mettre en exergue l’enjeu culturel dans la réponse à la crise des banlieues.

Dans le cas présent, suite à la suspension de l’immigration de travail en France en 1974 et à l’échec des politiques d’aide au retour, les dispositifs de regroupement familial (qui n’ont malheureusement pas été accompagnés d’une véritable aide à l’intégration) se sont traduits par l’arrivée des femmes des travailleurs de cette ethnie. Ceux-ci, qui furent en France d’abord dockers puis éboueurs notamment, avaient par ailleurs gardés un rapport de domination sur les femmes par le biais de pratiques polygames ou du « prix de la fiancée », qui sont bien logiquement interdites et difficilement acceptables en France. Cela va se traduire en quelque sorte par un « déboussolement culturel » face à la culture du pays d’accueil :

Ainsi alors que les Français ont une conception nucléaire de la famille, pour les Soninkés, la famille est perçue comme une cellule plus large, les parents ayant un rôle normatif fort alors que les oncles maternels et grands parents ont quant à eux un rôle affectif et de confidents. Or, dans le cadre de l’émigration vers notre pays, ces derniers ne sont pas forcément présents et les enfants n’ont alors à faire qu’à l’autoritarisme abusif (voire violent des pères ; et non pas un manque d’autorité…) qui n’est pas efficace car il ne donne pas d’explications.

Par ailleurs, tandis que les Français peuvent voir comme une preuve de laxisme le fait de laisser « traîner » dehors ses enfants à des heures tardives, les mères Soninké, qui ont gardés à l’esprit dans le cadre de leur culture de l’éducation collective que tous les adultes exercent un contrôle normatif collectif sur les enfants, ne voient pas cela comme un danger pour leurs enfants. C’est par ailleurs souvent un moyen pour elles de souffler un peu étant donné l’étroitesse et la vétusté des appartements (qui sont la propriété de marchands de sommeils) dans lesquels habitent ces familles (les offices HLM ayant pour la plupart refusés de les accueillir).

Ces exemples concrets qui pourraient être développés et qui montrent en partie pourquoi les jeunes Noirs issus de l’Afrique sahélienne sont davantage en proie aux inconduites scolaires et à la délinquance (comme le montre davantage Lagrange dans son ouvrage), doivent avant tout nous amener à repenser nos politiques publiques et notamment nos politiques d’intégration en fonction des différences culturelles et des communautés, ce qui suppose de dépasser (enfin) notre tabou républicain à ce sujet, de ne plus avoir une vision globale stupide des « Français d’origine étrangère ».

Venons-en à présent à quelques idées développées par Hugues Lagrange, certes de manière un peu confuse dans son ouvrage, pour régler la crise des banlieues :

- Ainsi pour reprendre l’auteur, il faudrait tout d’abord arrêter la schizophrénie de nos politiques publiques, qui envoient des signaux contradictoires aux migrants et qui rend celles-ci illisibles.

En effet, on met en place d’un côté la politique de la ville et des mesures de lutte contre discriminations (HALDE etc) ; mais de l’autre côté on fait bien comprendre aux immigrés qu’ils ne sont pas les bienvenus en France et qu’on les soupçonne de fraude, d’illégalité…et puis on crée un sordide «Ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale… », en charge d’une politique du chiffre d’expulsions arbitraires…

En outre, le couple fourniture d’aides + défiance à l’égard des migrants ne peut, comme le rappelle Lagrange « qu’induire des comportements opportunistes à l’égard de l’Etat social ».

Par ailleurs, le sociologue rappelle au sujet de la Politique de la Ville que cette politique publique si souvent évaluée est constamment attaquée pour son inefficacité…Disons que dans sa configuration actuelle, elle a plus un rôle palliatif que curatif (voir article II. sur la réforme que j’appelle de mes vœux pour cette politique). Mais, sans la politique de la ville, par ailleurs à la pointe de l’innovation en matière de politiques publiques, la situation serait très certainement encore bien pire dans les cités sensibles de notre pays.

- Après cela, pour régler la « crise des banlieues », il faudrait s’atteler à créer les conditions de l’émergence d’élites locales dans les quartiers (une idée que j’ai déjà développée dans les précédents articles).

1. Il faudrait premièrement mettre le paquet sur la mixité sociale (plus que culturelle d’ailleurs, car on aura malheureusement du mal à faire revenir du jour au lendemain des « blancs » dans les cités les plus sensibles) :

- en assurant une fois encore véritablement l’application de la loi SRU et en construisant plus de logements sociaux, notamment PLAI (on construit en France, mais peu de logements sociaux…). Mais alors attention, s’il faut effectivement favoriser la mixité sociale au niveau communal ou intercommunal pour éviter la ghettoïsation, la mixité socioculturelle au niveau micro-local semble cependant souvent impossible, ne faisant que créer des tensions, distances et repli sur soi…En tout cas, il ne faut pas l’imposer à ce niveau là.

- et surtout, (nouveauté évoquée par Lagrange) : en tentant de créer des « quartiers intermédiaires » limitrophes aux « cités » les plus sensibles où il n’y a plus aucune mixité sociale. Il s’agit ainsi entre autre d’attirer l’élite immigrée (qui fait aujourd’hui partie de la classe moyenne), issue de ces cités et qui est partie pour se construire légitimement pour eux mêmes et leurs enfants un avenir meilleur ; mais qui ont gardés des liens familiaux et amicaux très fort ainsi qu’un grand attachement au quartier. (Cependant, il est vrai que cette politique me semble bien difficile d’un point de vue purement pratique à mettre en place).

2. Puis, dans le domaine scolaire (toujours dans l’optique de favoriser les conditions de l’émergence d’une élite locale et d’un nouveau modèle de réussite) :

- dans le cadre d’un déficit de préscolarisation de certains enfants, réaliser un suivi le plus tôt possible des difficultés scolaires dès l’école maternelle et ne pas attendre que les retards se forment et se creusent…Car sinon, cela ne fait notamment que se développer les risques d’échec scolaire et d’humiliation scolaire particulièrement chez les garçons, ce qui se traduit parfois part une dévalorisation de l’élite scolaire (intello=PD), un machisme renouvelé (les filles réussissant mieux à l’école), voire l’affirmation d’une virilité et d’une nouvelle fierté par les activités illicites et délinquantes.

- ne pas être forcément contre la mobilité scolaire ; mais alors à côté de cela « dé saupoudré » le dispositif ZEP, afin de mieux concentrer les moyens dans les collèges et lycées les plus défavorisés (voir l’article sur l’éducation).

- et enfin, créer des filières d’excellence dans ces établissements ZEP, soit par des partenariats avec les grandes écoles (modèle IEP de Paris), soit par l’instauration de « quotas méritocratiques », 5% des places dans les classes préparatoires étant alors réservées aux meilleurs élèves des lycées ZEP. Il s’agit bien là de faire de la discrimination positive, mais sur une base territoriale et non ethnique, ce qui est me semble-t-il compatible avec l’idéal républicain. On pourrait aussi réformer les concours d’entrée aux grandes écoles et dans la fonction publique pour qu’ils soient moins « socialement discriminants » (les épreuves de culture générale notamment…) et mettre un terme à la pratique des stages non rémunérés (qui pénalisent ceux qui ont besoin d’argent…).

3. Ensuite, il faudrait revoir notre politique d’intégration (j’en ai déjà parlé dans l’article « politique d’immigration ») vers une plus grande reconnaissance de la différence culturelle :

- Cela rejoins l’idée du contrat d’accueil et d’intégration (déjà évoquée, le CAI devant être amélioré) et du fait d’éviter la concentration dans des logements insalubres des primo-arrivants (voir l’article précédent). Concernant le CAI, il faudrait notamment mettre l’accent sur les droits des femmes primo-arrivantes (séances d’information sur leurs droits en France, prévention des situations de sexisme, de violences conjugales…).

- il s’agirait aussi de réaliser une meilleure « inclusion institutionnelle de la diversité » (droit de vote aux élections locales des étrangers ; institutions médiatrices avec les pouvoirs publics type CFCM ; favoriser la médiation culturelle et les associations culturelles ; construction de lieux de cultes dignes, de plus de carrés dans les cimetières ; apprentissage du français conjointement à la langue d’origine ; instauration de jours fériés optionnels dans le calendrier (l’Aïd pour les musulmans, le Kippour pour les juifs, par exemple) comme l’avait proposé en 2004 la commission Stasi…).

- enfin, il faudrait améliorer la lutte contre les discriminations (renforcer les pouvoirs, les moyens et la notoriété de la HALDE).

4. D’autre part, toujours dans l’optique de favoriser une élite locale, et j’en reviens à mon dada, il faut mettre en place une « politique d’empowerment », d’encapacitation des habitants à faible capacité de pouvoir des quartiers difficiles, et notamment des femmes (qui sont des actrices majeures dans le développement) !

Il s’agirait notamment de favoriser les associations d’accueil pour les primo-arrivantes ; d’encourager l’activité professionnelle des femmes (par un plus grand nombre de places en crèches et un meilleur accès aux formations professionnelles) ; ou encore d’aider à la création d’associations de femmes, de « self help groups » qui pratiqueraient entre autres le microcrédit ou les tontines populaires…On rejoint ici le courant de l’économie sociale et solidaire.

En résumé: toutes ces propositions visent à recréer une élite locale des « cités » et/ou des quartiers limitrophes, avec une large place faite aux femmes, dans une optique de développement local.

Ainsi, de nouvelles classes moyennes (celles-ci étant traditionnellement très présentes dans le monde associatif) porteraient ce développement, cet empowerment local. Ces classes moyennes seraient les leaders de combats politiques (meilleure représentation), économiques (création d’activité économique, investissements endogènes…) et sociaux visant à l’amélioration des conditions de vies dans les quartiers difficiles. En outre, leur présence permettrait un meilleur contrôle collectif sur la délinquance (ce qui rejoint l’idée que j’avais déjà énoncée de « community policing » dans le cadre d’une nouvelle police de proximité), ainsi qu’une diminution des traditions patriarcales (qui infériorisent les femmes et qui favorisent la délinquance des jeunes).

Pour aller plus loin :

LAGRANGE Hugues, Le déni des cultures, 2010.

mardi 28 décembre 2010

Roms et « gens du voyage » : quelles solutions ?

Pour commencer, quelques chiffres :

- 10 millions : c’est le nombre de Roms présents en Europe (la grande majorité en Roumanie, Bulgarie et les pays de l’Ex-Yougoslavie).

- 15.000 (eh oui, seulement !) : c’est le nombre de Roms présents actuellement en France.

- Entre 24.000 et 28.000, c’est le nombre de reconduites à la frontière d’immigrants en situation irrégulière effectuées chaque année depuis 2007 par messieurs Besson puis Hortefeux sur demande expresse de l’Elysée. Pour déconstruire cette politique du chiffre : on peut rappeler que la moitié de ces reconduites à la frontière (12.000 à 13.000 par an) concernent justement les Roms, dont les 2/3 reviendront en France, notamment grâce à l’aide au retour (dans leur pays d’origine, comprenons nous bien lol) de 300 euros par adulte.

Pour continuer, quelques rappels :

Les Roms, une population originaire d’Inde au Moyen-Age, qui a ensuite migré vers l’Europe, sont victimes dans leur pays d’origine de conditions de vie misérables, de discriminations incroyables et de toute sorte (éducation, emploi, santé, droit d’entreprendre…) voire de violences (notamment depuis la fin des régimes dictatoriaux communistes en 1989/91 qui protégeaient un peu mieux les minorités, avec des pogroms organisés par des groupuscules d’extrême droite).

Ce qui les pousse donc à migrer vers l’Europe de l’Ouest. En outre, les Roms originaires de Roumanie et Bulgarie sont citoyens européens depuis 2007, mais sous le coup d’un statut dérogatoire jusqu’en 2014 qui ne leur permet de rester que 3 mois en France.

Au reste, tandis que certains Roms n’ont tout simplement pas le droit d’avoir accès à un emploi, la plupart doivent pour rester en France après ces 3 mois, soit trouver un emploi dans le cadre d’une liste étroite de secteurs économiques en manque de main d’œuvre, soit s’inscrire à l’université

La grande majorité des Roms ne pouvant remplir l’une de ces deux conditions, ils se retrouvent donc vite dans l’illégalité. Celle-ci se trouvant souvent renforcée par l’exercice d’une mendicité, parfois agressive ; des activités délinquantes ; ou encore l’occupation illégale de terrains publics ou privés (aidés en cela par la non application de la Loi Besson par une majorité de communes françaises, nous reviendrons sur ce point).

S’il est évident qu’il ne faut pas faire de généralités, un certain nombre de Roms ont cependant intériorisés une « identité négative » héritée du fait d’avoir été réduit en esclavage pendant très longtemps et ce jusqu’à la fin du XIXème siècle, mais aussi à force de discriminations, de pratiques passées de délinquances et de dépendance à l’égard de l’assistance sociale.

Rappelons tout de même à ceux qui le pensent que les « étrangers » ne sont pas forcément des fraudeurs à l’aide sociale qui viendraient profiter de notre généreux système français, et que dans le cas présent les Roms n’ont le droit qu’à l’Aide Médicale d’Etat, et encore l’accès reste limité et ils doivent désormais s’acquitter d’un droit de 30 euros par an pour toucher l’AME.

Par ailleurs, on peut noter que les Roms n’ont pas d’identité culturelle très forte, la langue Romani étant très peu parlée par les communautés émigrantes, tandis que celles-ci se convertissent généralement à la religion de leur société d’accueil. Ainsi, en France, bon nombre de Roms sont catholiques même si on dénombre de plus en plus de pentecôtistes (ce qui peut s’expliquer par le fait qu’il s’agit d’une Eglise aux rites spectaculaires, démonstratifs et dont les leaders sont avant tout charismatiques). En outre, il faut davantage appréhender le fait d’être Rom comme un statut social qu’une appartenance culturelle, puisque les Roms qui « s’élèvent socialement » ne se considèrent généralement plus à posteriori comme des Roms.

Politique actuelle :

Il ne vous aura pas échappé que la politique actuelle du gouvernement français se résume, et ce encore plus depuis cet été, à la volonté de détruire les camps illégaux de Roms et de multiplier les expulsions du territoire français.

Il est malheureusement évident que cette politique ne résous absolument pas le problème, pire, elle l’aggrave puisque les Roms expulsés, reconduits, puis revenants, expulsés, reconduits…vivent ainsi dans des conditions très précaires : au niveau de l’habitat, mais aussi concernant le cursus scolaire des enfants…, les aires d’accueil ou camps illégaux étant en outre souvent bien éloignées des services urbains (écoles/transports/zones d’emplois…).

Notons d’ailleurs que parmi les Roms renvoyés dans leur pays d’origine au mois d’aout dernier, aucun n’était « connu des services de police », mise à part pour l’occupation illégale de terrains communaux ou privés, un fait monté en « trouble à l’ordre public » qui justifiait peut-être une amende mais surement pas une reconduite à la frontière, comme l’a rappelé le Tribunal Administratif de Lille qui a jugé cette pratique illégale !

Le volet « insertion » est quant à lui quasiment absent des politiques publiques actuelles, les associations caritatives du mouvement « Rom Europe », telles que Médecins du Monde ou le Secours Catholique, se substituant le plus souvent aux pouvoirs publics en apportant assistance et accompagnement vers l’insertion à ces personnes.

Propositions de « solutions » (entre guillemet, car oui, il n’y a pas de solutions miracles) :

Les hypothétiques solutions se trouvent selon moi (et beaucoup d’autres, je ne me fais que porte-parole) à plusieurs niveaux :

- Au niveau de l’Union Européenne : il faut demander à la Commission de faire fortement pression sur les gouvernements roumains et bulgares pour qu’ils améliorent la situation économique et sociale des Roms dans ces pays et pour mettre fin aux discriminations. Ces gouvernements pouvant être aidés financièrement dans leurs efforts (des fonds européens prévus à cet effet existent déjà).

Cependant, il faut bien noter qu’il s’agit là d’une solution à long terme, le changement des mentalités (des Roumains et Bulgares, mais aussi des Roms) prendra évidement beaucoup de temps.

- Au niveau national et des collectivités territoriales : (dans tous les pays riches d’Europe de l’Ouest, dont la France) :

En attendant une amélioration de la situation en Roumanie et Bulgarie, allons-nous rester les bras croisés ? A vrai dire, il existe déjà des solutions d’aide à l’insertion pour les populations Roms notamment par l’intégration dans des logements stables et salubres, à savoir les « villages d’insertion ». Il n’en existe actuellement que 3 en France, en Seine-Saint-Denis (comme par hasard, là où se concentrent déjà beaucoup de difficultés dans notre pays…). Dans ces villages, construits par l’ADOMA, on retrouve des travailleurs sociaux qui sont chargés d’aider des populations Roms qui ont été sélectionnées et qui ont acceptées de suivre des cours pour apprendre la langue française, de scolariser leurs enfants, et de s’inscrire dans une démarche de formation professionnelle ou de recherche d’emploi. En outre, ces villages sont placés sous la surveillance de gardiens afin d’éviter l’intrusion de personnes extérieures. Il s’agirait donc de généraliser cette pratique en construisant d’autres villages d’insertion de ce type, dans d’autres départements plus riches (les Yvelines par exemple…). Cependant, si ces villages fonctionnent clairement à petite échelle et sont sélectifs, il faudra trouver un moyen pour que leur généralisation, forcément plus inclusive, soit tout aussi efficace…

Par ailleurs, il ne s’agit là que d’une solution potentielle, je suis sûr qu’il en existe d’autres dont je n’ais pas eu connaissance, notamment en Espagne ou en Allemagne qui ont mis en place des politiques d’insertions bien plus développées qu’en France.

Ouverture sur les « gens du voyage » français (environ 400.000 en France) :

Je pense que tout le monde a bien compris qu’il ne s’agissait pas des mêmes populations.

Cependant, un point qui les rapproche concerne l’application de la loi Besson (de 1991, qui a été modifiée et complexifiée depuis) qui en gros prévoit que chaque commune ou intercommunalité doit construire un terrain d’accueil (aire d’accueil ou aire de grand passage) avec l’aide de l’Etat. Or celle-ci n’est appliquée qu’à hauteur de 50% environ sur le territoire français…ce qui finalement facilite l’itinérance et met plus aisément dans l’illégalité les gens du voyage et le Roms qui décideraient de s’installer illégalement sur un terrain non prévu à cet effet, par manque de place dans les aires existantes. Notons par ailleurs, qu’un maire qui a fait construire un terrain d’accueil dispose de beaucoup plus de pouvoirs pour expulser des personnes installées de manière illégale sur un terrain public ou privé.

Concernant à présent plus spécifiquement les gens du voyage, (il faudrait y consacrer un article entier), rappelons qu’alors que ceux-ci sont aussi assujettis à l’impôt (à travers la taxe annuelle d’habitation sur résidences mobiles terrestres), on ne peut que constater qu’ils ne sont pas considérés par les institutions et la société française comme des citoyens comme les autres. Il s’agirait donc de mettre en place une politique globale d’accès aux droits (ci-après, quelques préconisations) pour ces personnes victimes de discriminations (sans faire pour autant d’angélisme concernant les questions de délinquance) :

- en revenant sur le carnet de circulation (et le contrôle policier de celui-ci tout les 3 mois, ce qui constitue en quelque sorte une discrimination légale de leur mode de vie) ;

- alors que les demandes de scolarisation sont parfois rejetées, en assurant la scolarisation de tous les enfants,

- en facilitant l’accès aux droits civiques tels que le droit de vote, aujourd’hui rendu difficile,

- en facilitant l’accès aux droits sociaux notamment l’APL, le DALO…

- concernant l’emploi : en reconnaissant institutionnellement les savoirs-faires intrafamiliaux (artisanats) et en luttant plus efficacement contre les discriminations à l’embauche dans le cadre de la HALDE…,

- en facilitant l’accès aux droits bancaires (ouverture de compte, prêt, assurance))….

Pour aller plus loin :

COMMISSION NATIONALE CONSULTATIVE DES DROITS DE L’HOMME ;

Etude et propositions sur la situation des Roms et des gens du voyage en France ; 2008.