Pourquoi ce blog ?

Bienvenue à tous les visiteurs de ce blog !

Par le biais de ce blog, je souhaite vous faire part de mes positions politiques (les poser à l’écrit) sur certains sujets qui me semblent cruciaux et/ou peu abordés (crise des banlieues, rapports Nord/Sud, Ecologie, Fiscalité…).
De plus étant bien triste de constater à quel point les individus ont tendance à démissionner chaque jour un peu plus de leur rôle de citoyen, pour préférer un simple rôle de travailleur/sur-consommateur, ce blog sera ma très petite contribution pour essayer d’informer, faire connaître mes positions et ouvrir un débat entre citoyens.
Par ailleurs, à travers les articles de ce blog vous verrez que : faire des propositions est essentiel pour moi, car critiquer c’est bien, mais proposer une alternative c’est mieux !
D’où le titre de ce blog : alternatives citoyennes. Au reste, le but de ce blog n’est pas tellement pédagogique, pour cela je vous renvoie notamment vers des liens très intéressants.
Enfin, vos contributions, remarques, points de vue et critiques (constructives) sont évidemment les bienvenues.
Petite remarque : j’aurais parfois tendance à forcer le trait et à tenir des propos corrosifs, ceci dans l’unique but de rendre la lecture de ce blog plus captivante.

Martin Besnier

mardi 28 décembre 2010

Roms et « gens du voyage » : quelles solutions ?

Pour commencer, quelques chiffres :

- 10 millions : c’est le nombre de Roms présents en Europe (la grande majorité en Roumanie, Bulgarie et les pays de l’Ex-Yougoslavie).

- 15.000 (eh oui, seulement !) : c’est le nombre de Roms présents actuellement en France.

- Entre 24.000 et 28.000, c’est le nombre de reconduites à la frontière d’immigrants en situation irrégulière effectuées chaque année depuis 2007 par messieurs Besson puis Hortefeux sur demande expresse de l’Elysée. Pour déconstruire cette politique du chiffre : on peut rappeler que la moitié de ces reconduites à la frontière (12.000 à 13.000 par an) concernent justement les Roms, dont les 2/3 reviendront en France, notamment grâce à l’aide au retour (dans leur pays d’origine, comprenons nous bien lol) de 300 euros par adulte.

Pour continuer, quelques rappels :

Les Roms, une population originaire d’Inde au Moyen-Age, qui a ensuite migré vers l’Europe, sont victimes dans leur pays d’origine de conditions de vie misérables, de discriminations incroyables et de toute sorte (éducation, emploi, santé, droit d’entreprendre…) voire de violences (notamment depuis la fin des régimes dictatoriaux communistes en 1989/91 qui protégeaient un peu mieux les minorités, avec des pogroms organisés par des groupuscules d’extrême droite).

Ce qui les pousse donc à migrer vers l’Europe de l’Ouest. En outre, les Roms originaires de Roumanie et Bulgarie sont citoyens européens depuis 2007, mais sous le coup d’un statut dérogatoire jusqu’en 2014 qui ne leur permet de rester que 3 mois en France.

Au reste, tandis que certains Roms n’ont tout simplement pas le droit d’avoir accès à un emploi, la plupart doivent pour rester en France après ces 3 mois, soit trouver un emploi dans le cadre d’une liste étroite de secteurs économiques en manque de main d’œuvre, soit s’inscrire à l’université

La grande majorité des Roms ne pouvant remplir l’une de ces deux conditions, ils se retrouvent donc vite dans l’illégalité. Celle-ci se trouvant souvent renforcée par l’exercice d’une mendicité, parfois agressive ; des activités délinquantes ; ou encore l’occupation illégale de terrains publics ou privés (aidés en cela par la non application de la Loi Besson par une majorité de communes françaises, nous reviendrons sur ce point).

S’il est évident qu’il ne faut pas faire de généralités, un certain nombre de Roms ont cependant intériorisés une « identité négative » héritée du fait d’avoir été réduit en esclavage pendant très longtemps et ce jusqu’à la fin du XIXème siècle, mais aussi à force de discriminations, de pratiques passées de délinquances et de dépendance à l’égard de l’assistance sociale.

Rappelons tout de même à ceux qui le pensent que les « étrangers » ne sont pas forcément des fraudeurs à l’aide sociale qui viendraient profiter de notre généreux système français, et que dans le cas présent les Roms n’ont le droit qu’à l’Aide Médicale d’Etat, et encore l’accès reste limité et ils doivent désormais s’acquitter d’un droit de 30 euros par an pour toucher l’AME.

Par ailleurs, on peut noter que les Roms n’ont pas d’identité culturelle très forte, la langue Romani étant très peu parlée par les communautés émigrantes, tandis que celles-ci se convertissent généralement à la religion de leur société d’accueil. Ainsi, en France, bon nombre de Roms sont catholiques même si on dénombre de plus en plus de pentecôtistes (ce qui peut s’expliquer par le fait qu’il s’agit d’une Eglise aux rites spectaculaires, démonstratifs et dont les leaders sont avant tout charismatiques). En outre, il faut davantage appréhender le fait d’être Rom comme un statut social qu’une appartenance culturelle, puisque les Roms qui « s’élèvent socialement » ne se considèrent généralement plus à posteriori comme des Roms.

Politique actuelle :

Il ne vous aura pas échappé que la politique actuelle du gouvernement français se résume, et ce encore plus depuis cet été, à la volonté de détruire les camps illégaux de Roms et de multiplier les expulsions du territoire français.

Il est malheureusement évident que cette politique ne résous absolument pas le problème, pire, elle l’aggrave puisque les Roms expulsés, reconduits, puis revenants, expulsés, reconduits…vivent ainsi dans des conditions très précaires : au niveau de l’habitat, mais aussi concernant le cursus scolaire des enfants…, les aires d’accueil ou camps illégaux étant en outre souvent bien éloignées des services urbains (écoles/transports/zones d’emplois…).

Notons d’ailleurs que parmi les Roms renvoyés dans leur pays d’origine au mois d’aout dernier, aucun n’était « connu des services de police », mise à part pour l’occupation illégale de terrains communaux ou privés, un fait monté en « trouble à l’ordre public » qui justifiait peut-être une amende mais surement pas une reconduite à la frontière, comme l’a rappelé le Tribunal Administratif de Lille qui a jugé cette pratique illégale !

Le volet « insertion » est quant à lui quasiment absent des politiques publiques actuelles, les associations caritatives du mouvement « Rom Europe », telles que Médecins du Monde ou le Secours Catholique, se substituant le plus souvent aux pouvoirs publics en apportant assistance et accompagnement vers l’insertion à ces personnes.

Propositions de « solutions » (entre guillemet, car oui, il n’y a pas de solutions miracles) :

Les hypothétiques solutions se trouvent selon moi (et beaucoup d’autres, je ne me fais que porte-parole) à plusieurs niveaux :

- Au niveau de l’Union Européenne : il faut demander à la Commission de faire fortement pression sur les gouvernements roumains et bulgares pour qu’ils améliorent la situation économique et sociale des Roms dans ces pays et pour mettre fin aux discriminations. Ces gouvernements pouvant être aidés financièrement dans leurs efforts (des fonds européens prévus à cet effet existent déjà).

Cependant, il faut bien noter qu’il s’agit là d’une solution à long terme, le changement des mentalités (des Roumains et Bulgares, mais aussi des Roms) prendra évidement beaucoup de temps.

- Au niveau national et des collectivités territoriales : (dans tous les pays riches d’Europe de l’Ouest, dont la France) :

En attendant une amélioration de la situation en Roumanie et Bulgarie, allons-nous rester les bras croisés ? A vrai dire, il existe déjà des solutions d’aide à l’insertion pour les populations Roms notamment par l’intégration dans des logements stables et salubres, à savoir les « villages d’insertion ». Il n’en existe actuellement que 3 en France, en Seine-Saint-Denis (comme par hasard, là où se concentrent déjà beaucoup de difficultés dans notre pays…). Dans ces villages, construits par l’ADOMA, on retrouve des travailleurs sociaux qui sont chargés d’aider des populations Roms qui ont été sélectionnées et qui ont acceptées de suivre des cours pour apprendre la langue française, de scolariser leurs enfants, et de s’inscrire dans une démarche de formation professionnelle ou de recherche d’emploi. En outre, ces villages sont placés sous la surveillance de gardiens afin d’éviter l’intrusion de personnes extérieures. Il s’agirait donc de généraliser cette pratique en construisant d’autres villages d’insertion de ce type, dans d’autres départements plus riches (les Yvelines par exemple…). Cependant, si ces villages fonctionnent clairement à petite échelle et sont sélectifs, il faudra trouver un moyen pour que leur généralisation, forcément plus inclusive, soit tout aussi efficace…

Par ailleurs, il ne s’agit là que d’une solution potentielle, je suis sûr qu’il en existe d’autres dont je n’ais pas eu connaissance, notamment en Espagne ou en Allemagne qui ont mis en place des politiques d’insertions bien plus développées qu’en France.

Ouverture sur les « gens du voyage » français (environ 400.000 en France) :

Je pense que tout le monde a bien compris qu’il ne s’agissait pas des mêmes populations.

Cependant, un point qui les rapproche concerne l’application de la loi Besson (de 1991, qui a été modifiée et complexifiée depuis) qui en gros prévoit que chaque commune ou intercommunalité doit construire un terrain d’accueil (aire d’accueil ou aire de grand passage) avec l’aide de l’Etat. Or celle-ci n’est appliquée qu’à hauteur de 50% environ sur le territoire français…ce qui finalement facilite l’itinérance et met plus aisément dans l’illégalité les gens du voyage et le Roms qui décideraient de s’installer illégalement sur un terrain non prévu à cet effet, par manque de place dans les aires existantes. Notons par ailleurs, qu’un maire qui a fait construire un terrain d’accueil dispose de beaucoup plus de pouvoirs pour expulser des personnes installées de manière illégale sur un terrain public ou privé.

Concernant à présent plus spécifiquement les gens du voyage, (il faudrait y consacrer un article entier), rappelons qu’alors que ceux-ci sont aussi assujettis à l’impôt (à travers la taxe annuelle d’habitation sur résidences mobiles terrestres), on ne peut que constater qu’ils ne sont pas considérés par les institutions et la société française comme des citoyens comme les autres. Il s’agirait donc de mettre en place une politique globale d’accès aux droits (ci-après, quelques préconisations) pour ces personnes victimes de discriminations (sans faire pour autant d’angélisme concernant les questions de délinquance) :

- en revenant sur le carnet de circulation (et le contrôle policier de celui-ci tout les 3 mois, ce qui constitue en quelque sorte une discrimination légale de leur mode de vie) ;

- alors que les demandes de scolarisation sont parfois rejetées, en assurant la scolarisation de tous les enfants,

- en facilitant l’accès aux droits civiques tels que le droit de vote, aujourd’hui rendu difficile,

- en facilitant l’accès aux droits sociaux notamment l’APL, le DALO…

- concernant l’emploi : en reconnaissant institutionnellement les savoirs-faires intrafamiliaux (artisanats) et en luttant plus efficacement contre les discriminations à l’embauche dans le cadre de la HALDE…,

- en facilitant l’accès aux droits bancaires (ouverture de compte, prêt, assurance))….

Pour aller plus loin :

COMMISSION NATIONALE CONSULTATIVE DES DROITS DE L’HOMME ;

Etude et propositions sur la situation des Roms et des gens du voyage en France ; 2008.

samedi 4 septembre 2010

Commentaires suite au débat estival sur l’insécurité :

Suite au débat estival sur l’insécurité, je voudrais faire part de quelques commentaires et ajouts (aux autres articles publiés dans la rubrique « crise des banlieues », notamment les IV.) ; V.) et VI.)).

Selon le gouvernement (et plus largement bon nombre de personnes de droite), ils pensent être les seuls à avoir une réponse crédible à faire valoir pour lutter contre la délinquance. Aucun débat démocratique ne semble possible sur cette question. Si j’ose penser différemment que le gouvernement ou une bonne partie de la droite sur cette question, je suis tout de suite taxé d’
« angélisme », de « laxisme » ou encore de « bien-pensance », alors même que l’on ne connaît pas mes propositions concrètes…Or, si la gauche n’a effectivement pas le « monopole du cœur », pour reprendre une expression de Giscard, la droite n’a surement pas non plus le monopole sur les questions de sécurité !

Alors oui, effectivement, les partis de gauche ont du mal (pour le moment) à être lisibles sur cette question (et c’est bien dommage !), mais pour autant, je soutiens obstinément que l’on peut être de gauche et avoir des idées à défendre sur ce sujet.

La nouvelle surenchère de mesures sécuritaires et d’escalades verbales de cet été devraient montrer une fois de plus l’inefficacité de l’action du gouvernement sur ce dossier et l’exploitation à des fins électoralistes du véritable sentiment d’insécurité… Je déplore une fois de plus l’absence de stratégie globale sur cette question, le gouvernement préférant des actions coups de poings, au coup par coup, menées de l’extérieur ; à une présence quotidienne dans les « secteurs sensibles » des forces de police paradoxalement de moins en moins nombreuses dans ce pays.

Par ailleurs, tout comme on pouvait reprocher à Georges Bush que l’on ne lance pas une « guerre » contre le terrorisme, on peut aujourd’hui reprocher à Nicolas Sarkozy que l’on ne lance pas de « guerre » contre la délinquance. (Il serait d’ailleurs amusant de compter le nombre de « déclarations de guerre » à la délinquance depuis 2002…).

Mais revenons à cette surenchère sécuritaire née lors du désormais célèbre : discours de Grenoble, et aux propositions les plus emblématiques portées par le gouvernement et/ou plus largement pas une partie de la droite. Notons en outre que cette escalade nauséabonde et populiste a salit l’image de la France à l’international… (Voir les nombreux articles de presses cinglants du New York Times, du Guardian ou encore du Spiegel, et les condamnations plus ou moins manifestes de l’ONU, de l’Union Européenne, du Vatican, de l’Autriche…).

Tout d’abord l’idée de déchéance de la nationalité pour les « Français d’origine étrangère » qui auraient « volontairement porté atteinte à la vie d’un policier…ou toute autre personne dépositaire de l’autorité publique ».
Premièrement, tout comme la peine de mort ne dissuade en rien un criminel de passer à l’acte, la déchéance de nationalité n’est pas non plus selon moi ce qui empêchera un criminel de tuer un policier.
Cette nouvelle mesure « coup de poing », qui une fois de plus ne s’inscrit dans aucune stratégie plus globale mais visait juste à répondre encore une fois à un fait divers, me semble donc inefficace.
Mais admettons, si l’on continue dans cette logique de l’absurde : pourquoi ne déchoir de leur nationalité que les « Français d’origine étrangère » ? En effet, si cette mesure était en application, et si demain un Français « de naissance » et après-demain un Français « d’origine étrangère » tentaient de tuer ou tuaient un policier, ils ne subiraient donc pas le même « traitement ». Tout d’abord, on pourrait espérer que tout deux seraient arrêtés et jugés fermement, ce qui serait tout à fait normal. Mais ensuite l’un garderait sa nationalité et l’autre deviendrait apatride (il semble en effet illusoire de se dire que son éventuel ancien pays d’origine voudrait « récupérer » un criminel ; et quid de sa famille ??). On créé ainsi deux catégories de Français, ceux « de naissance » disposant alors d’un « traitement de faveur ». Or, notre chère Constitution (dans son article Premier !! Soit la base de notre République !!) déclare que « La France (…) assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion (…) ».

Viens ensuite l’idée de Christian Estrosi de punir les maires « laxistes » en matière de sécurité, heureusement rapidement abandonnée par le gouvernement mais tout de même symptomatique de ce que je dénonçais en introduction.
J’espère bien que les maires peuvent avoir une autre conception que celle bien pauvre et inefficace du gouvernement de ce qu’il faudrait faire pour lutter contre l’insécurité. S’ils jugent par exemple que généraliser la vidéosurveillance est inefficace et revient à jeter de l’argent par les fenêtres (ce qui de mon point de vue est vrai), c’est bien leur droit !
Les maires sont élus, ils n’ont pas de compte à rendre à l’Etat mais à leurs électeurs ! En outre, les maires devant faire face à des situations extrêmement hétéroclites selon leurs communes, il ne saurait y avoir une unique « bonne réponse » à apporter.
Par ailleurs, rappelons que la sécurité publique est une mission régalienne qui incombe donc avant tout à l’Etat et non aux communes. Il s’agissait vraiment là de se défausser sur les maires de l’inefficacité de la politique du gouvernement dans ce domaine…
Cependant, les maires, qui n’ont pas à être des shérifs comme le rappelle justement Pierre Cardo (ancien maire de Chanteloup les Vignes), sont des partenaires de premier ordre dans la lutte contre l’insécurité et c’est très bien ainsi. Ils sont notamment en charge du volet « prévention » et devraient d’ailleurs participer davantage aux instances de coproduction de la sécurité (qui ne doivent pas s’arrêter aux CLSPD comme je le disais dans un précédent article, mais se développer et s’ouvrir encore plus, notamment aux habitants).

Concernant enfin la polémique sur les Roms, je ne vais pas m’attarder sur cette question complexe que je connais peu et qui n’a d’ailleurs vraiment pas grand-chose à voir avec la rubrique « crise des banlieues ». Cela fera peut-être l’objet d’un prochain article, car il y a beaucoup de choses à dire à ce sujet. Le niveau de connaissance de la plupart des citoyens sur ce dossier étant très faible (moi le premier), cela laisse donc malheureusement la place à de multiples préjugés. D’un mot tout de même, il semble évident de rappeler que la politique d’expulsion systématique de camps illégaux obéit une fois encore à une logique court termiste et ne saurait constituer une action publique suffisante et efficace.

Après avoir critiqué, venons en à présent à la partie la plus intéressante de cet article à savoir : la formulation de propositions alternatives. Car critiquer, tout le monde peut le faire, et d’ailleurs beaucoup l’ont fait cet été. Malheureusement, bien moins nombreux ont été ceux qui ont proposés des alternatives concrètes.
Dans des articles précédents, j’ai déjà fait des propositions (articles IV / V / VI notamment de la rubrique « crise des banlieues ») concernant la lutte contre la délinquance. Suite à de multiples lectures croisées ces dernières semaines dans le cadre du débat de cet été, je désire non pas vraiment en faire de nouvelles mais plutôt approfondir certaines.

Tout d’abord, j’ai pu noter qu’il semblait primordial pour de nombreux observateurs d’accentuer les moyens financiers prévus pour l’évaluation de nos politiques publiques de sécurité. En effet, les impacts de celles-ci ne sont en France que très peu ou pas évalués (à l’instar des pratiques de vidéosurveillance). Pour cela, il faudrait entre autres renforcer les moyens publics accordés à la recherche dans le domaine de la criminologie. De plus, il s’agirait de lutter contre le fort conservatisme de la hiérarchie policière française, peu encline aux expérimentations sur le terrain. Les chefs de service devant rendre compte de leurs actions à une hiérarchie très pesante, ils ne disposent ainsi que de très peu d’autonomie pour tenter d’innover et apporter des solutions concrètes et appropriées à leurs zones d’interventions.
Notons de plus que cette évaluation pourrait donner toute sa place aux habitants, par exemple dans le cadre de « comités de liaison police/quartier ». On rejoint ainsi l’idée plus large d’une plus grande participation de ceux-ci, et donc notamment en terme d’évaluation des politiques publiques, la police rendant alors davantage de comptes aux habitants qu’à leur hiérarchie (ce qui permet par ailleurs de lutter contre le « sentiment d’insécurité », bien plus important que l’insécurité elle-même). Dans cette optique de participation des habitants et de la recherche de solutions spécifiques à des zones d’interventions variées, il semble enfin nécessaire d’accentuer la décentralisation des politiques de sécurité pour ainsi davantage « coller au terrain ».

Au reste, et pour ne reprendre que les termes d’Emilie Thérouin (adjointe au maire d’Amiens, chargée de la sécurité ; voir son blog très intéressant : http://www.emilietherouin.fr/verts-mairie-amiens/index.php? ), il s’agirait de redéfinir une « doctrine d’emploi » plus claire des différentes forces de police (nationale, municipales, gendarmerie). Il faudrait en effet mieux délimiter les missions de chacun et « donner une vision » à l’institution « police » en la réformant en profondeur et en associant le plus possible les différents corps de policiers à cette réforme.

Rappelons ensuite, et c’est une évidence, que l’action policière ne fera pas diminuer à elle seule le niveau de la délinquance. Aussi ai-je remarqué que de nombreux spécialistes dénonçaient le retard de la France dans le domaine de la « médiation », qu’elle soit sociale, citoyenne/associative, de jour, de nuit… J’ai déjà évoqué ce thème lorsque j’ai présenté la prévention de la délinquance et cela rejoint une fois encore l’idée de participation des habitants. Je ne citerais donc que deux expériences américaines récentes qui ont fait leurs preuves :
- l’idée d’associations « cessez le feu » (cease fire) implantées dans chaque quartier très sensible et composées notamment d’anciens délinquants et/ou détenus, souvent très respectés par les plus jeunes, qui joueraient le rôle de médiateurs de rue. Même si toute comparaison reste limitée et que d’autres facteurs doivent être pris en compte, rappelons tout de même que dans les villes du nord est des Etats-Unis telles que Chicago cela a permis de diminuer assez fortement le nombre de crimes violents et de règlements de compte par balles (pour plus de détails : http://www.ceasefirechicago.org/). Comme vous pouvez le constater ce type d’association n’aurait donc pas grand-chose à voir avec celle déjà existante en France : « AC le feu ».
- l’initiative « Summer Night Lights » de la mairie de Los Angeles. Il s’agit simplement de laisser les parcs publics ouverts jusque tard pendant les nuits d’été (particulièrement meurtrières) aux heures durant lesquelles l’activité des gangs est la plus forte. Des animations sportives et culturelles sont ainsi proposées aux jeunes des quartiers déshérités tandis que d’autres jeunes se voient eux offrir des jobs d’été en participant à l’encadrement de cette initiative. Ajoutée à une politique de « contrôle judiciaire » très stricte (une peine alternative à l’incarcération), cette initiative a permis elle aussi de réduire considérablement le nombre de crimes violents liés à l’activité des gangs particulièrement nombreux et puissants à L.A. (Pour plus de détails : http://mayor.lacity.org/Issues/GangReduction/SummerNightLights/index.htm ).

Pour finir, je voudrais simplement faire une petite digression (sur un sujet très peu abordé), pour signaler que le secteur des entreprises de sécurité privée est en plein boom actuellement en France comme partout ailleurs (sociétés de gardiennages, de vidéosurveillance mais aussi sociétés de conseil en sécurité et en gestion de crise appelées à former les équipes de polices, à gérer des bases de données de services de renseignement…). Cette privatisation du secteur de la sécurité (intérieure mais aussi extérieure) me semble dangereuse en ce qu’elle est porteuse de possibles collusions d’intérêt et devrait être davantage encadrée par la loi. Aux Etats-Unis, des milices privées de mercenaires telles que « Blackwater Worldwide », (bien connues pour leurs exactions et bavures en Irak) qui se cantonnaient auparavant du secteur de la défense par le biais de partenariats avec le Pentagone (qui dispose d’un budget gigantesque) diversifient aujourd’hui leurs activités en s’occupant de plus en plus de la sécurité intérieure. Tâchons de ne pas suivre cette voie en France.